Symi est le lieu du non droit, où seule compte
la force du nombre. Heureusement, la seconde partie du livre
amène un certain soulagement. Alors que le réalisateur retourne
au monde « normal », il peut enfin se battre pour
ses droits en faisant essentiellement appel à la loi. S’ouvrent
alors plusieurs procès contre l’acteur principal qui a déposé
une version modifiée du scénario en son propre nom et a poursuivi
le tournage sans autorisation.
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Ce retour à la normale est également un
retour à la société où, contrairement à la situation sur Symi,
les désirs de chacun sont régulés. L’expérience de Symi est
d’abord l’expression des rapports humains dans ce qu’ils ont
de pire. A Symi, chacun s’imagine être ce qu’il désire. L’isolement,
l’inexpérience, la bêtise et surtout la rencontre d’ego démesurés
créent une situation presque incroyable, mais finalement assez
logique. Les rapports de force sont ceux existant dans toute
entreprise humaine. Peut-être dans le cas d’un tournage la
dimension artistique attise t’elle les passions. Même si la
technique peut être critiquée de manière objective, par exemple
lorsque l’image est surexposée, la subjectivité se glisse
irrémédiablement dans le jugement lorsqu’il s’agit des intentions
du réalisateur.
L’une des leçons du livre est de ne pas accepter de faire
un film à tout prix, surtout lorsque l’on tourne son premier
long métrage. L’expérience est douloureuse pour le narrateur,
mais elle a aussi valeur de parcours initiatique. C’est peut-être
pour cela que Frédéric Sojcher parle de son livre comme d’un
« roman autobiographique », pour se mettre à distance
et conserver la portée symbolique du récit. Si son expérience
a été particulièrement difficile, nombre de tournages sont
émaillés de conflits, et le récit est représentatif de chacun
d’eux.
Le livre de Frédéric Sojcher est bien écrit, accessible au
plus grand nombre, et est surtout un rare et précieux témoignage
d’une expérience de tournage. Avec le rôle de chacun, les
difficultés inhérentes à un tournage « normal »
(pour autant qu’il y ait une norme de tournage) et les subtilités
des rapports humains. Il ne faut jamais oublier la précaution
de l’auteur, préférant le roman au témoignage, et tout en
prenant le récit pour la réalité, le considérer comme un point
de vue. C’est aussi ce qui fait la richesse du récit, la subjectivité
avec laquelle il est conduit et qui nous permet de nous mettre,
un temps, dans la peau du réalisateur.
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Titre : Main basse sur le film
Auteur :
Frédéric Sojcher
Editeur :
Seguiel
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