Synopsis :
Le 4 novembre 1995, disparaissait Gilles Deleuze, l’un des
philosophes des les plus importants de notre temps. Deleuze
a dédié sa vie à une philosophie vivante, brûlante, qu’il
a fait descendre dans la rue. Il n’existe aucun film qui
lui soit consacré, et il a toujours refusé de participer à
une émission de télévision. Il était pourtant, de son vivant
déjà, une sorte de star, par l’éblouissement qu’il provoquait
chez tous ceux qui assistaient à ses cours et par la gloire
que lui ont value ses livres.
Deleuze ne voulait pas d’un film sur lui mais il avait accepté
l’idée d’un film avec lui, et avec Claire Parnet qui fut son
élève : c’est un abécédaire dont chaque lettre renvoie à un
mot, de A comme Animal à Z comme Zigzag. Existe-t-il un lien
entre Spinoza et Minnelli ? Entre Marcel Proust et Francis
bacon ? Entre les poux et la culture ? Si pour lui faire de
la philosophie c’est créer des concepts, il y a bien aussi
une vie propre du philosophe. L’abécédaire nous montre l’expérience
d’une pensée à l’œuvre, d’une parole qui fit dire à Michel
Foucault : « Un fulguration s’est produite, qui portera le
nom de Deleuze… Un jour, peut-être, le siècle sera deleuzien
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POINT DE VUE
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L’Abécédaire est un objet singulier,
dans le sens qu’il est unique, non pas dans l’histoire de
la littérature, du journalisme ou même de la philosophie,
mais bien dans l’histoire du cinéma, si l’on excepte les
Histoires du cinéma de Jean-Luc Godard, dont le dispositif
diffère radicalement. Mais L’Abécédaire est-il un objet
cinématographique ? Filmé comme un plan-séquence de
huit heures alors que chaque bobine de film n’excède pas
dix minutes, L’Abécédaire est scénographiquement pauvre,
et c’est cette pauvreté associée au charisme de son sujet
(qui est à la fois son objet), Gilles Deleuze, qui fait
de ces 26 séquences des images fascinantes, de la fascination
des fantômes.
Filmé en 1987, quel était le but de cette expérience qui
ne devait être dévoilée qu’après la mort du philosophe,
à la fois acteur et auteur du film ? Comment filmer
un discours et une personne qui ne seront vus et entendus
que plusieurs années plus tard ? Le corps et la parole
sont tous deux ancrés dans un présent certain, déjà notre
passé : Deleuze nous parle de l’actualité culturelle,
se désespère parfois de son époque, qui n’est déjà plus
la nôtre, mais l’a déterminé. Son visage marqué et changeant
reflète son état du moment : la maladie avec une toux
rauque, mais aussi une certaine malice, et surtout la liberté,
celle de parler de tout et de n’importe quoi, de la philosophie,
de la société, de lui-même (son enfance, ses goûts, sa vie),
tout en restant cadré dans les thèmes imposés à lui par
Claire Parnet, son interlocutrice, entre invisibilité et
tyrannie.
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