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On a souvent comparé Wanda
à la Femme sous influence que campait Geena Rowlands dans
le film de son mari John Cassavetes. Mais si Wanda est sous
influence, ce n’est que sous la sienne propre : paraissant
indifférente à son mari et à ses enfants, la vie ne fait
que glisser sur elle. Son visage est empreint d’une expression
unique, elle ne semble pas avoir conscience de son corps
qu’elle met pourtant en avant. Wanda, c’est une femme sans
influence. Elle aimerait peut-être être comme Mable, pleine
d’un amour débordant pour tous : son mari, ses enfants,
ses voisins, les passants. Abandonnée dans la ville comme
Mable attendant ses enfants revenant de l’école, elle s’accroche
aux hommes croisant son chemin. Car si Mable est une femme
comme l’affirme le titre, à la fois épouse et mère, Wanda
semble devoir prouver qu’elle appartient au genre féminin,
et qu’elle est bien un individu.
Ce qui est plus incertain encore que Wanda, c’est le monde
qui l’entoure : les hommes fuient au petit matin, un
bistrotier en costume se révèle être un petit escroc. Dans
Wanda, tout est sous le règne du faux, du trompe-l’œil,
dont les catacombes que visite Wanda sont le point d’orgue :
un Christ en résine affiche un corps et un visage d’enfant
vêtu d’un caleçon. Quand Wanda se sera trouvée, le monde
n’en sera pas plus structuré : où sommes-nous à la
fin du film ? Dans un bordel ou dans une joyeuse communauté
hippie ?
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On retrouve le monde de Wanda dans
le Mike Douglas Show présent dans les bonus du DVD. Alors
que Yoko Ono et John Lennon émettent des propos incohérents
et entonnent un des morceaux de Yoko, Barbara Loden tape
sur des bongos, semblant être la seule créature saine du
spectacle (et Mike Douglas n’a pas même vu le film de son
invitée !).
Au-delà de ses spécificités esthétiques, entre documentaire,
nouvelle vague et nouveau cinéma américain, Wanda
est un film unique et irremplaçable car il est avant tout
l’histoire d’une femme qui ne parvient pas à transmettre
son identité, ne serait-ce qu’à ses enfants. L’ironie du
sort veut que la carrière du film, bien après la mort de
Barbara Loden, soit l’histoire d’une transmission réussie,
presque de mère en fille : Marguerite Duras voulait
distribuer Wanda, puis c’est Isabelle Huppert qui
s’est attelée avec succès à la tâche. Wanda est une
histoire de femme et de spectatrices. Contrairement à Geena
Rowlands, Barbara Loden n’a pas trouvé en son mari celui
qui pouvait la dévoiler. Il a fallu qu’elle devienne un
symbole en criant son indépendance, et c’est pour cela qu’aujourd’hui
encore on se retrouve en elle.