LE FILM DE TOUTES LES SURPRISES
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On attendait beaucoup du nouveau film
de Guillaume Nicloux. Sans doute parce que Une Affaire
privée, son précédent long, un polar d’exception malheureusement
passé inaperçu l’an dernier, nous avait laissé un souvenir
marquant par son atmosphère bizarre, sa galerie de personnages
déjantés, son introduction saisissante, son dénouement surprenant…
Avec Cette femme-là, le cinéaste transcende l’attente
et construit un superbe édifice dans lequel se côtoient le
tragique et le grotesque, l’humour et l’angoisse, le drame
et la poésie.
Dans Une Affaire privée, on suivait la ténébreuse enquête
d’un détective privé (Thierry Lhermitte) à la recherche d’une
disparue. Au bout du parcours, il finissait par se perdre
et se faire avoir alors que l’évidence était sous ses yeux.
Dans Cette Femme-là, Nicloux reprend le même schéma,
la même tonalité absurde et angoissante, le même style d’enquête
barrée et le même genre de protagoniste. Au détective je-m’en-foutiste
qui alignait clopes sur clopes succède une femme-flic, véritable
paradoxe ambulant, à la fois forte et fragile, inflexible
et sensible que l’on sent au bord de la crise et de la dépression.
Attristée depuis la mort de son fils, elle est engluée dans
une mélancolie qui contamine le film.
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Les points communs entre les deux
films sont tels que les personnages principaux vont même
finir par se croiser dans un hôpital, lors d’une séquence
clin d’œil, où Maniéri (Thierry Lhermitte, venu faire un
cameo hilarant, comme Darroussin dans la boîte échangiste)
raconte qu’il sort d’une enquête terrible (celle d’Une
Affaire Privée). Ce qui est sûr, c’est qu’il ne risque
plus de revoir de sitôt la vénéneuse Marion Cotillard dont
la sensualité irradiait l’écran et troublait le spectateur.
Cet exemple d’allusion est plaisant parce qu’on se dit qu’on
sera sans doute amené à retrouver des personnages de
Cette Femme-là dans les prochains films du cinéaste,
comme si tous formaient une grande famille qui n’a de cesse
de s’agrandir.
L’intrigue, fouillée et ambiguë, fonctionne en parfaite
adéquation avec une atmosphère torve, inquiétante, sournoise,
dans laquelle le personnage principal doit se repérer. Elle
fait la rencontre d’une multitude de personnages dont les
buts sont indécis. Parfois, ils viennent éclaircir certains
points et font avancer l’enquête ; d’autres fois, ils servent
juste à brouiller les pistes et à semer de faux indices.
Dans tous les cas, ce sont des suspects adéquats qui en
savent toujours trop sur la question. La musique d’Eric
Demarsan, compositeur désormais attitré du cinéaste, possède
toujours la même puissance hypnotique même si l’auteur reprend
quelques morceaux déjà présents sur Une Affaire privée.