Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
La Cinéphilie (c) D.R. LIVRE

La Cinéphilie, invention d’un regard,
histoire d’une culture, 1944-1968

d'Antoine de Baeque
Par Patrick INNOCENTI


UNE CERTAINE PRATIQUE DES FILMS


Dans son dernier ouvrage, La Cinéphilie, invention d’un regard, histoire d’une culture, 1944-1968, Antoine De Baeque, auteur entre autres d’une biographie de Truffaut, écrit l’histoire de l’âge d’or de la cinéphilie française. Au-delà d’un simple retour sur l’évolution des Cahiers du cinéma et sur les prémisses de la Nouvelle-Vague, De Baeque fait le récit d’un processus de légitimation qui permit au cinéma d’acquérir un statut privilégié en France, à une époque où l’émulation autour des films faisait partie prenante de la vie intellectuelle.


  Nuit et brouillard (c) D.R.
Persévérance. Le livre d’Antoine de Baeque s’achève sur un retour sur le livre de Serge Daney, ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma et critique à Libération dans les années 80. Persévérance, non pas face à une soi-disant mort du cinéma, mais face à la disparition d’un regard sur les films. D’emblée, la démarche d’Antoine de Baecque s’inscrit dans une période historique, dans une évolution de l’histoire du cinéma, où la cinéphilie se donne à vivre au-delà de l’expérience de l’amalgame de films et d’images (dont on serait d’ailleurs bien plus abreuvé de nos jours), comme une attitude active face à ceux-ci, à une époque où un malheureux travelling avant sur un interné de camp de concentration pouvait faire dire à Rohmer que tel film est « abject » et à Daney que Resnais, dans Nuit et Brouillard, sut si prendre avec bien plus de décence.

Parler de la cinéphilie ne revient pas pour De Baeque à entreprendre une étude strictement académique sur une habitus culturel parmi tant d’autres, tel un sociologue qui se pencherait sur l’adolescent et les jeux vidéos ou un historien qui rédigerait une thèse sur les jeux de société dans les salons privés parisiens au XIXème siècle. La démarche est pourtant similaire : exploiter les archives (les fonds Truffaut, Bazin, Sadoul, Langlois), parcourir les revues de l’époque (L’Ecran Français, Les Cahiers du cinéma, Positif, Les Lettres françaises), retracer l’évolution chronologique pour dresser un tableau presque généalogique d’une pratique qui trouverait ses origines dans les ciné-clubs d’après-guerre autour de la figure d’André Bazin, futur fondateur des Cahiers jaunes.  Spécificité du travail de De Baeque : expliquer comment le cinéma a obtenu, grâce à la cinéphilie, ses lettres de noblesse et fut considéré comme un art à part entière, voire l’art du 20ème siècle pour certains ; quelle fut l’influence des cinéphiles sur l’évolution du cinéma et sur notre perception de l’histoire du cinéma. Pourquoi par exemple Hitchcock, alors méprisé par beaucoup et dont les films étaient souvent considérés comme de simples astuces techniques, sans thème particulier, mais motivés par un goût du morbide, acquit la notoriété qu’on lui connaît ; comment s’est opérée la césure dans le cinéma français à partir des années 50, du « cinéma de Papa » vers la Nouvelle Vague.