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Le guide du cinema chez soi LIVRE

Le Guide du cinéma chez soi
Dir. Pierre Murat - Télérama
Par Pascal Manuel HEU



Évacuons d’emblée la question de savoir si cela vaut la peine, pour un cinéphile qui ne détiendrait pas la première édition du dictionnaire des films publiée en 2002 par Télérama, de se procurer l’édition 2004. Peu d’erreurs dans les résumés et les génériques (forcément très brefs hélas, l’équipe technique des films passant à l’as), des appréciations bien sûr discutables, mais expliquées par les auteurs des notices, et presque toujours justifiées de leur point de vue, des textes relativement bien informés et agréablement écrits : on y retrouve ce qui assure à l’hebdomadaire de programmes T.V. son quasi monopole. Le pari de concurrencer les Tulard, Lourcelles, Leguèbe et autres Lamy/Rapp en traitant environ 12 000 films en un unique volume de 1 390 pages (240 de plus qu’en 2002), pour un prix modique et inchangé (21 euros, après un lancement à 15 euros), est donc gagné.

  A. Kurosawa

Mais qu’en est-il du pari que prétend relever la seconde édition, qui, un an et demi après la première (d’après les dates d’impression et de dépôt légal : avril et 2e trimestre 2002 ; octobre et 4e trimestre 2003), justifierait le rachat de ce dictionnaire ? Voici comment l’éditeur, en quatrième de couverture, présente l’innovation : « 2 000 notules supplémentaires par rapport à la précédente édition ! Toutes les sorties des deux dernières années. Plus de films de série B, de série Z. Kurosawa et Bergman accueillent Norman Tokar. Cinéphiles exigeants et cinéphages délirants seront comblés. Désormais, le pur chef-d’œuvre cinématographique voisine avec le gore qui tache, Les Demoiselles de Rochefort avec Le Retour des tomates tueuses. » Toutes les sorties, vraiment ? On en doute, mais on est pas allé vérifier, préférant examiner l’argument le plus séduisant et, de ce fait, le plus agressivement mis en avant par la réclame (« … d’Antonioni à Claude Zidi, du chef d’œuvre au film gore… »), l’éditorial de Pierre Murat insistant quant à lui sur l’introduction de « raretés », y compris de « grands » metteurs en scène (Georges Cukor par exemple). Ayant pris conscience que son lectorat s’est diversifié et que la donne est modifiée par de nouvelles pratiques cinéphiliques (induite par l’usage de la vidéo, du câble et du DVD surtout), Télérama se serait enfin dépris de son élitisme, voire de son snobisme (pour en adopter un autre, plus à la mode ?), en accordant la même attention aux cinéastes et genres réputés mineurs qu’aux cinéastes et genres reconnus. De fait, le recyclage des nouvelles fiches publiées dans l’hebdomadaire en 2002 et 2003 respecte à peu près les notes d’intention, puisque ont par exemple été ajoutées dans l’édition 2004 du dictionnaire des notules sur L’Affranchi (Cottafavi), L’Audience (Ferreri), Boesman et Lena (Berry), La Chute de la maison Usher (Corman), Le Cirque du Dr Lao (Pal), Colorado (Sollima), Les Croisades (de Mille), La Deuxième Guerre civile (Dante), Devarim (Gitaï). Tout juste peut-on se demander pourquoi certains de ces films ne figuraient pas dans la première édition et émettre l’hypothèse que l’équipe dirigée par Pierre Murat, pourtant de plus en plus pléthorique (67 collaborateurs !) (1) au risque de compromettre toute unité rédactionnelle, suit l'actualité de ce qui passe à la télévision au lieu de la précéder (ce qui devrait être la fonction d’un véritable guide). Il est cependant heureux que cette politique permette de « repêcher » des films peu connus ou mal-aimés d’auteurs réputés, comme Untel père et fils, de Duvivier, ou Une sale histoire, d’autant que la notice consacrée au film d’Eustache n’a pas été confiée à Claude-Marie Trémois (qui, à sa sortie, le massacra dans Télérama), mais à Jean-Luc Douin (qui y est favorable, malgré l’attribution d’un seul T), « cette façon d’affronter un interdit » qui « brise tout voyeurisme » n’ayant pas été du goût de sa consœur. À cet égard, la notule sur Un chant d’amour de Genet est particulièrement savoureuse quand on sait que le film avait été « oublié » dans la première édition : « Les censeurs en sont restés interdits, et on ne s’en étonne pas » !