Propos de l’éditeur :
Lost Highway (1996) est à l’image de l’hôtel où échoue Fred
Madison, hôtel perdu au bout – quel bout ? – d’une autoroute
surgie de nulle part, investi par des morts ou des disparus
qui refont surface : le film a tout d’un purgatoire. Purgatoire pour
les personnages égarés qui n’arrêtent pas de passer les frontières
de mondes incompatibles ; purgatoire pour les corps en souffrance,
dont David Lynch affiche la vulnérabilité pour mieux exploser
la matière physique, l’explorer et accéder à la texture même
des images et des bruits ; purgatoire pour la raison, qui ne
peut pas se rattacher à une narration suivie, à un ordre temporel
et spatial logique ; purgatoire pour le spectateur embarqué
dans une traversée audiovisuelle intense, lâché dans une expérience
totale qui lui fait ressentir le poids de l’accidentel et la
force de l’essentiel sans avoir vraiment les mots pour le dire ;
purgatoire, enfin, pour le cinéaste qui atteint là une forme
de pureté artistique. Bréviaire vertigineux de la perception,
Lost Highway plonge dans l’intimité de l’image pour amener
la sensibilité à s’ouvrir, un programme que Lynch prolonge avec
Mulholland Drive, en déplaçant l’action au sein d’Hollywood
même. |
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Publié une première fois par les éditions
Dreamland en 2000, l’ouvrage analytique Le Purgatoire
des Sens de Guy Astic présentait Lost Highway
comme l’ultime synthèse des obsessions de David Lynch, un
voyage radical et sans précédent au cœur d’une identité
effondrée sans équivalence, ni dans la filmographie du réalisateur,
ni peut-être même dans celles de ses contemporains. C’était
avant que Mulholland Drive et que quelques activités
annexes, notamment via son site Internet davidlynch.com,
n’offrent à Lynch son étonnant retour en grâce. La présente
édition, remaniée en conséquence, intègre ainsi au commentaire
initial quelques pistes supplémentaires sur la genèse d’une
œuvre dont la fertilité convie à une perpétuelle redécouverte.
Voici donc un livre qui s’adresse à tous ceux que Lost
Highway intrigue un tant soit peu, que l’on soit perplexe
face à l’opacité du film et néanmoins curieux d’en percer
les secrets, ou admirateur convaincu en quête de nouvelles
raisons de s’y plonger. Guy Astic accorde à ce film l’attention
habituellement réservée aux œuvres à la postérité avérée :
son analyse est érudite et agréablement référencée (de Francis
Bacon à Jean Cocteau, de Francisco de Goya à Alfred Hitchcock),
et chaque section de l’ouvrage éclaire généreusement certaines
zones d’ombre du film sans jamais le dénaturer. Par ailleurs,
il n’est nullement question d’évoquer ici les fameuses "clés",
cet enjeu très improbable du cinéma lynchien sur lequel
le réalisateur a lui-même joué lors de la sortie de Mulholland
Drive : tandis que nombre d'analyses voudraient
resserrer le film autour d’une seule interprétation, Le
Purgatoire des Sens allonge continuellement le mystère
distillé par son sujet.
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