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Dancer in the dark (c) D.R. DE GUERRE, LARS



Par Cyrille GUERIN


Avec Dancer in the dark, Von Trier emboutit l'amabilité de rigueur et porte à son paroxysme la pratique du trompe-l’œil. Bonne nouvelle : il n'est pas le seul à faire chier son monde !



  Citizen Kane  (c) D.R.

Qu'on ne nous bassine plus avec ces saloperies de phrases douillettes et casse-sphincters sorties d'une cuisse de Jupiter mutilée : "un artiste, c'est celui qui crée". Le ver dans la pomme discursive, les métastases dans la lucidité. Il est des jours où, sincèrement, l'on s'égare volontiers en nostalgie d'embastillement format 16/9ème. A défaut de taule pour les fringuants flingueurs de la sublimation, on peut toutefois s'autoriser à leur administrer quelques menues torgnoles qui de toute manière ne feront que frôler le sens critique de ces vassaux de la pensée désespérément chiante, elle-même laquais de notre chère époque.fr(ileuse). Qu'on se le dise : l'artiste avec un A comme autiste est celui qui détruit, qui égorge la banalité sordide du quotidien. Point pas com mais barre.

Mélodiquement et textuellement, Daft Punk, NTM, Murat, Björk, Radiohead, Sonic Youth, Aphex Twin ou Comelade, pour ne citer que quelques références "fnaciennes" très contemporaines, sont des cheveux bien gras dans le potage de Lexomil qui, actuellement, endort un peu trop les cons-sommateurs que nous sommes : la partition iroquoise portant la rectitude de leurs morceaux gueule-de-bois et de leurs paroles cradingues jusqu'au plus haut des cieux de l'ébouriffement créatif, jusqu'à un insoutenable chaos auditif. L'enfance ou l'errance de l'art, au choix. Accouchement aux forceps. Guitare en sueur, riffs en friches, rimes pas fresh, samples repoussants. Voilà des mecs et des meufs à la pilosité musicale ultra excitante qui rabattent le caquet des canons, défroquent les normes, foutent la rhétorique régissant leur écosystème cul par dessus-tête. Ces artistes velus à des confins d'un confort décidément toujours moderne, et ce quel que soit le segment temporel que celui-ci traverse, laissent boiter loin derrière eux les petits freluquets frimeurs aux arrangements trop chiadés pour risquer leurs frêles épaules contre les parois de l'audace (Richard Aschcroft et sa brandade de pop paternelle bien gentille, par exemple).

Space Cow Boys (c) D.R.

Cinématographiquement, à présent, ils ne sont pas légion ceux qui, à l'instar de leurs homologues musicos, rentrent de nos (e) jours dans le bide bedonnant de la facilité, osent forniquer avec le danger plastique ou le vertige du fond; frottent leurs burnes contre le vagin de l'insécurité, l'anus de l'instabilité. Eastwood, toujours aussi incontestablement majestueux, se heurte à l'auto-clonage, à l'auto-parodie convenue, se condamnant malheureusement à la potence de la répétition. Son Space Cow Boys refoule la sénilité, dans ce qu'elle a de plus pathétique, à pleines muqueuses. La carte vermeil a encore de belles rides devant elle. Autre génération, autres mœurs, autre relation à la chose sexuelle, panoramique et frondeuse - car la chair est omniprésente n'en déplaise aux barons du balai dans le cul: Harmony Korine. Petit "morveux polymorphe", comme l'a si judicieusement et pas plus tard que récemment customisé le souvent juste Azoury (in "Libé" du 13 septembre 00). Ce petit empêcheur de certifier en rond, en boucle qui, expériences filmiques après éjaculations scénaristiques précoces, s'en va conter fleurette aux mornes archétypes ("mornes" et "normes" ne sont-ils pas des anagrammes, des miroirs dessinant avec une exactitude sidérante l'ennui que l'un et l'autre reflètent ?) parvient à faire s'effondrer les remparts dressés par la convention. Le branleur détruit tout sur son passage, à commencer par sa vilaine frimousse de model Calvin Klein déchirée par les substances les plus illicites et les happenings fight clubbings des plus succulents (tournage l'an dernier de Fight Harm où le bel hideux se faisait tabasser par le premier venu). Remplissant son rôle d'artiste sancitfié via l'alpha et l'oméga de la correction infligée aux trop sages, aux morts en sursis.