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Baise-moi (c) D.R. TU QUOQUE MI FILII



Par Cyrille GUERIN


Latent, le phénomène du pousse-au-crime cinématographique atteint actuellement, et par touches sporadiques, des sommets dans le grand banditisme scénaristique. Mais que fait la police des mœurs? Elle préfère se toucher sur Baise-moi pardi. Ne la dérangeons surtout pas : pendant les travaux, la dissidence continue L'enfer, c'est les autres. C'est donc exact.



  Baise-moi (c) D.R.

C'est dans les vieux pots que l'on fait les meilleures soupes. Dans ces bonnes vielles gamelles proverbiales également que l'on élabore les histoires les plus intelligentes, les moins en proie à la cécité. Pas toujours rutilantes en bout de courses, parfois même comme en sueur tant elles ont roulé sous leurs grasses aisselles les situations les plus aberrantes, les moins acceptables parce que tout simplement cruelles; au bord du précipice existentiel de chacun, elles ont pourtant l'immense et irréprochable intérêt d'être hors-la-loi. Luxe qui dans notre société malheureusement assez médiocre, dans laquelle même Monsieur Propre risque de se retrouver à pointer aux Assedics à force d'astiquer la moindre aspérité, propose gentiment mais sûrement une alternative au Lexomil créatif ambiant. Avec, mais c'est un autre sujet, plus ou moins d'adresse et de dextérité. Ici, ce qui compte avant tout, c'est l'intention."(...) toutes ces personnes autour de vous qui ont un avis sur tout, ce qu'il faut écouter, où il faut aller, qui vous entraînent l'a où vous n'avez aucune envie d'aller". Cette phrase affutée, à la lame bien tranchante, c'est Thom Yorke, le leader aiguisé de Radiohead qui l'a prononcée ( Libération du 2 octobre 00).

Sous ces propos cruciaux à l'épilation altruiste, prédicat dont se revendiquent les plus farouches des individualistes, on entrevoit l'envie farouche de tout foutre en l'air et, surtout, de résilier l'abonnement avec l'autre -ce soi-disant ami qu'on se suggère faute de mieux s'estimer. Expédier en colissimo l'autre, le fameux, en enfer, là où finalement il est né, la région d'où nous sommes tous originaires. Que le bon peuple spectateur, adepte quasiment inculte de la polyphonie du fait divers papier, cathodique ou télévisuel dont il se repaît infos après infos de façon presque lubrique, ravale sa bile : ce ne sont là que des propos faussement performatifs et qui plus est destinés à rester inassouvis. Pétards-mouillés? Nous connaissons nos limites, slalomant entre de pénibles tentatives de transparence, messes-basses et autres non-dit. Et pourtant, tout est là. Les balles sont à blanc, mais la structure "sujet-verbe-complément" est souvent en surchauffe. Elle turbine à fond, croisant le fer avec notre incapacité, notre impuissance humaine, dans son antonymie à l'animal, à en découdre avec nos tendres ennemis. C'est encore de ce bon vieux cinoche, instrument de désincarcération sociale, que l'on extrait notre forfait illimité de fantasmes.

Harry un ami qui vous veut du bien (c) D.R.

Dans une époque reculée, les années 80 - Tapie et le fric roi au firmament de l'indécence, les règles étaient dégueulasses mais avaient le mérité d'être claires : il y avait les riches et les pauvres, les méchants et les gentils en somme. Quelque trois lustres plus tard, fusion économique et, par extension, mutation culturelle obligent, le terrain sur lequel évoluent ces deux catégories a accueilli des herbes folles génétiquement modifiées et, parce que les cantonniers de la nouvelle économie se sont bien gardés d'y passer un coup de tondeuse, on ne distingue plus aussi simplement les deux équipes, pas forcément adverses du reste. De l'autre côté du e - miroir aux alouettes, les évidences d'antan tirent la tronche. Voilà que la bonne vieille pop et ses guitares floydiennes partouzent avec la racaille électronique. Des combos tels que A-ha, aussi cavalière que l'affirmation puisse paraitre, avaient amorcé la métamorphose du rock jurassique en un cancrelat surdoué du bidouillage sonique.