Illimité. C'est
la nouvelle mode en même temps que le nouveau mode de
consommation du cinéma. J'ai un collègue qui
a résilié son abonnement au câble en faveur
d'un pass-ciné-illimité. Il me dit : " je
vais voir 10 à 15 films par mois, j'ai calculé
ça me revient à 7 ou 8 fr la séance.
C'est bien, je vois des films que je serais jamais allé
voir sinon. " Il me dit encore avoir été
déçu par Dancer In The Dark et ébloui
par Esther Kahn. chaque fois que je le vois, il me
demande quel film voir… pris dans une logique de rentabilité
poussée à l'absurde.
|
 |
|
|
Limité. Arrive
toujours ce moment où je ne sais plus. Que faire d'une
offre illimitée quand le désir suscité
est lui limité ? L'abondance tue l'envie petit à
petit ; on chante bouche que veux-tu ? Une fois qu'il a réduit
à néant son propre désir, qu'il a épuisé
mon désir à moi, il n'a plus qu'à consommer
du cinéma pour ne pas être en reste. Avec ce
sentiment de puissance illimitée que lui donne l'occasion
(l'illusion ?) de profiter du système.
Derrière cette politique du cinéma à
foison, type buffet à volonté, point, selon
moi, la question du goût du cinéma. Quel goût
pour le cinéma induit ce type de consommation ? je
me pose d'autant plus la question que je me trouve à
Hôtel de Ville dans un de ces temples de la mal bouffe
si chers à José Bové. Pas celui qu'il
fait sauter. L'autre. Le rescapé, celui qui m'assure
qu'entre lui et moi c'est une histoire de goût. On y
revient. Une histoire de goût, donc. Et, dans ce burger-là
en particulier, l'histoire de goût en question peut
se raconter à la sauce cinéma. Dès que
vous y pénétrez, vous êtes absorbé
par un mur d'écrans tonitruant diffusant en boucle
bandes-annonces de cinéma, bandes-annonces de jeux
vidéos et clips musicaux. Tout cela, j'en suis sûr,
pour dissoudre la lenteur du service de ce lieu à vocation
rapide.
 |
|
|
|
Après, pour
ma part, je m'installe toujours à l'étage, face
au téléviseur qui diffuse des bandes-annonces
de films, et situé devant celui branché sur
le sport. C'est une expérience à faire : déguster
un délicieux menu face à une télévision
muette (muette du fait de la musique déversée
partout, en permanence et à un niveau sonore déjà
élevé), donc condamnée à ne diffuser
que des bandes-annonces sous-titrées (américaines,
en clair). Alors que, en coin, l'œil est sollicité
par la télé-sport, qui s'agite plus loin dans
la perspective. Bref, entre deux tranches de pain toasté
déposez un morceau de musique bien cuit, du cinéma
en rondelles, badigeonnez de jeux vidéos et ajoutez
du sport en garniture. Ingérez rapidement avant que
le goût ne vous en passe
Je ne sais pas si c'est que je mange vite ou que je regarde
d'un autre œil (le mauvais ?), mais les bandes-annonces y
sont très longues : je n'ai le temps d'en voir que
deux. The Road To Eldorado et Dancer In The Dark.
Verdict : plus c'est long, plus c'est long.
Le dessin-animé a ceci d'absolument édifiant
de sembler inanimé. Malgré le rythme endiablé
des séquences, le trait reste le même. Le graphisme
très (trop) propre, jusque dans le moindre recoin,
préfère de loin la règle au compas ou
à la main levée, et fige les personnages, les
décors, les situations dans des postures immuables
bien qu'en mouvement perpétuel, me laissant de marbre.
A part ça, le cocktail rires et chansons de ce type
de production est tellement systématique et récurrent
ces dernières années… j'arrête là,
j'opte pour l'indifférence.
|