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Dancer in the dark (c) D.R. LE TRIOMPHE
DE LA VOLONTE




Par Cyril JOHANNEAU


Que faire d'une offre illimitée quand le désir suscité est lui limité ? L'abondance tue l'envie petit à petit; on chante bouche que veux-tu ?



Illimité. C'est la nouvelle mode en même temps que le nouveau mode de consommation du cinéma. J'ai un collègue qui a résilié son abonnement au câble en faveur d'un pass-ciné-illimité. Il me dit : " je vais voir 10 à 15 films par mois, j'ai calculé ça me revient à 7 ou 8 fr la séance. C'est bien, je vois des films que je serais jamais allé voir sinon. " Il me dit encore avoir été déçu par Dancer In The Dark et ébloui par Esther Kahn. chaque fois que je le vois, il me demande quel film voir… pris dans une logique de rentabilité poussée à l'absurde.

  Esther Kahn (c) D.R.

Limité. Arrive toujours ce moment où je ne sais plus. Que faire d'une offre illimitée quand le désir suscité est lui limité ? L'abondance tue l'envie petit à petit ; on chante bouche que veux-tu ? Une fois qu'il a réduit à néant son propre désir, qu'il a épuisé mon désir à moi, il n'a plus qu'à consommer du cinéma pour ne pas être en reste. Avec ce sentiment de puissance illimitée que lui donne l'occasion (l'illusion ?) de profiter du système.

Derrière cette politique du cinéma à foison, type buffet à volonté, point, selon moi, la question du goût du cinéma. Quel goût pour le cinéma induit ce type de consommation ? je me pose d'autant plus la question que je me trouve à Hôtel de Ville dans un de ces temples de la mal bouffe si chers à José Bové. Pas celui qu'il fait sauter. L'autre. Le rescapé, celui qui m'assure qu'entre lui et moi c'est une histoire de goût. On y revient. Une histoire de goût, donc. Et, dans ce burger-là en particulier, l'histoire de goût en question peut se raconter à la sauce cinéma. Dès que vous y pénétrez, vous êtes absorbé par un mur d'écrans tonitruant diffusant en boucle bandes-annonces de cinéma, bandes-annonces de jeux vidéos et clips musicaux. Tout cela, j'en suis sûr, pour dissoudre la lenteur du service de ce lieu à vocation rapide.

The Road To Eldorado (c) D.R.

Après, pour ma part, je m'installe toujours à l'étage, face au téléviseur qui diffuse des bandes-annonces de films, et situé devant celui branché sur le sport. C'est une expérience à faire : déguster un délicieux menu face à une télévision muette (muette du fait de la musique déversée partout, en permanence et à un niveau sonore déjà élevé), donc condamnée à ne diffuser que des bandes-annonces sous-titrées (américaines, en clair). Alors que, en coin, l'œil est sollicité par la télé-sport, qui s'agite plus loin dans la perspective. Bref, entre deux tranches de pain toasté déposez un morceau de musique bien cuit, du cinéma en rondelles, badigeonnez de jeux vidéos et ajoutez du sport en garniture. Ingérez rapidement avant que le goût ne vous en passe

Je ne sais pas si c'est que je mange vite ou que je regarde d'un autre œil (le mauvais ?), mais les bandes-annonces y sont très longues : je n'ai le temps d'en voir que deux. The Road To Eldorado et Dancer In The Dark. Verdict : plus c'est long, plus c'est long.

Le dessin-animé a ceci d'absolument édifiant de sembler inanimé. Malgré le rythme endiablé des séquences, le trait reste le même. Le graphisme très (trop) propre, jusque dans le moindre recoin, préfère de loin la règle au compas ou à la main levée, et fige les personnages, les décors, les situations dans des postures immuables bien qu'en mouvement perpétuel, me laissant de marbre. A part ça, le cocktail rires et chansons de ce type de production est tellement systématique et récurrent ces dernières années… j'arrête là, j'opte pour l'indifférence.