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Y a des semaines comme ça.
Des pas folichonnes pour deux ronds, qui font perdre le sourire
même aux plus réfractaires. Si, si. Prenez, au
hasard, la présentatrice de Bouche à Oreille
(France2, le vendredi soir) - disons, Micheline par commodité,
et en mémoire de la regrettée Jacqueline Shadek
-, Micheline donc, qui exhibe toujours un sourire éclatant
(que les fumeurs de cannabis connaissent bien), a elle aussi,
ce vendredi, l'enthousiasme mollasson et le sourire flemmard.
Elle prévient d'office : " petite semaine côté
sorties donc pas de coup de coeur ". Oh ! ce serait-y pas
un coup de cafard à peine dissimulé, ca ? Va
falloir me faire une cure de juvamine la Micheline. La v'là
qui sait même plus faire des phrases, elle se contente
de dire ses notes. A ce rythme là, elle finit la saison
en sténo. Mais, c'est pas le plus grave.
Elle se ressaisit : " J'ai choisi pour vous (trop aimable,
vraiment !) Du Poil Sous Les Roses ", tatati-tatata?
" Vient la bande-annonce. De Le Secret.
" Souviens-toi l'été dernier ? " claironne en
cette soirée d'automne mon ultime neurone, en somme,
encore au summum de sa forme. Quel slalom ! C'est la nuit.
Le journal de la nuit, en août. Peu à peu, un
delirium pour le présentateur. Avant chaque reportage,
apparaît la même image figée et figeante.
Un plan aérien sur un paysage sordide : rectiligne
et quadrillé. Je ne sais pas si je vois un champ de
croix ou une réminiscence de Nuremberg. Le présentateur
s'excuse une première fois, mi-gêné mi-amusé
par l'intrusion. Le deuxième reportage restitue l'image
à qui de droit : les commémorations d'Hiroshima
et Nagasaki au Japon ; et nous en débarrasse du même
coup. Ouf ! soulagé. Sauf que non. Elle revient à
chaque fois. Elle est là. Et un malaise grandissant
suinte du présentateur. Une (mauvaise) blague ? Un
phénomène paranormal ? Un grain de sable dans
la mécanique ? A ghost in the machine ? Mystère?
Confus, il réitère ses excuses en fin de journal.
Il espère nous retrouver, me retrouver demain peu après
minuit. Il espère. Que craint-il. De qui craint-il
l'absence ? De lui ? De moi ?
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Retour vers le futur. Ce
soir, côté Micheline, il n'y a plus rien à
craindre. L'absence est totale. Absence à elle-même.
Au monde. Les images glissent sur ses propos et, elle, elle
rebondit, elle enchaîne sur Le Secret. Sans rien
trahir. Sans frémir. Est-ce le vide par delà
l'absence ?
Maintenant, c'est moi qui crains l'absence de tout, ne serait-ce
que d'un esprit (ne serait-ce que d'un fantôme d'esprit)
chez Micheline - a ghost in the Micheline. Alors, je pose
la question : faut-il in-orciser Micheline ?
Pis encore, je lance un appel à la profession (les
distributeurs, en particulier) : faites de grosses semaines
côté sorties. Il faut sauver le sourire de Micheline.
Merde ! les vrais critiques de cinéma sont suffisamment
rares à la télévision, alors sauvez Micheline
!
D'autant qu'elle a la classe - héritée, sans
doute, de la méthode giordano, quoique méthode?
manière giordano. A ceci près qu'elle surpasse
le maître : elle assume pleinement ses critiques, elle
n'a pas besoin de porte-voix, elle ! -, je disais donc qu'elle
a la classe de s'intercaler entre les bandes-annonces, contrairement
aux autres (ciné-dimanche de tf1 et grand écran
de m6) qui s'y répandent lamentablement en palabres.
Là, je peux boire ses paroles tout en profitant de
son sourire en amuse-gueule et ensuite déguster les
bandes-annonces. Raffiné, n'est-ce pas.
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