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Du poil sous les roses (c) D.R. A GHOST IN THE MICHELINE



Par Cyril JOHANNEAU


Claude François chantait "j'ai fait l'amour solitairement/ où est la honte à 17 ans ?" A 17 ans. Allons, Alejandro tu n'as plus 17 ans, et tu passes ton temps à mater dans ton slip, comme le mec sur l'affiche de Du Poil Sous Les Roses.



  Isabelle Motrot (c) D.R.

Y a des semaines comme ça. Des pas folichonnes pour deux ronds, qui font perdre le sourire même aux plus réfractaires. Si, si. Prenez, au hasard, la présentatrice de Bouche à Oreille (France2, le vendredi soir) - disons, Micheline par commodité, et en mémoire de la regrettée Jacqueline Shadek -, Micheline donc, qui exhibe toujours un sourire éclatant (que les fumeurs de cannabis connaissent bien), a elle aussi, ce vendredi, l'enthousiasme mollasson et le sourire flemmard. Elle prévient d'office : " petite semaine côté sorties donc pas de coup de coeur ". Oh ! ce serait-y pas un coup de cafard à peine dissimulé, ca ? Va falloir me faire une cure de juvamine la Micheline. La v'là qui sait même plus faire des phrases, elle se contente de dire ses notes. A ce rythme là, elle finit la saison en sténo. Mais, c'est pas le plus grave.

Elle se ressaisit : " J'ai choisi pour vous (trop aimable, vraiment !) Du Poil Sous Les Roses ", tatati-tatata? " Vient la bande-annonce. De Le Secret.

" Souviens-toi l'été dernier ? " claironne en cette soirée d'automne mon ultime neurone, en somme, encore au summum de sa forme. Quel slalom ! C'est la nuit. Le journal de la nuit, en août. Peu à peu, un delirium pour le présentateur. Avant chaque reportage, apparaît la même image figée et figeante. Un plan aérien sur un paysage sordide : rectiligne et quadrillé. Je ne sais pas si je vois un champ de croix ou une réminiscence de Nuremberg. Le présentateur s'excuse une première fois, mi-gêné mi-amusé par l'intrusion. Le deuxième reportage restitue l'image à qui de droit : les commémorations d'Hiroshima et Nagasaki au Japon ; et nous en débarrasse du même coup. Ouf ! soulagé. Sauf que non. Elle revient à chaque fois. Elle est là. Et un malaise grandissant suinte du présentateur. Une (mauvaise) blague ? Un phénomène paranormal ? Un grain de sable dans la mécanique ? A ghost in the machine ? Mystère? Confus, il réitère ses excuses en fin de journal. Il espère nous retrouver, me retrouver demain peu après minuit. Il espère. Que craint-il. De qui craint-il l'absence ? De lui ? De moi ?

Le Secret (c) D.R.

Retour vers le futur. Ce soir, côté Micheline, il n'y a plus rien à craindre. L'absence est totale. Absence à elle-même. Au monde. Les images glissent sur ses propos et, elle, elle rebondit, elle enchaîne sur Le Secret. Sans rien trahir. Sans frémir. Est-ce le vide par delà l'absence ?

Maintenant, c'est moi qui crains l'absence de tout, ne serait-ce que d'un esprit (ne serait-ce que d'un fantôme d'esprit) chez Micheline - a ghost in the Micheline. Alors, je pose la question : faut-il in-orciser Micheline ?

Pis encore, je lance un appel à la profession (les distributeurs, en particulier) : faites de grosses semaines côté sorties. Il faut sauver le sourire de Micheline. Merde ! les vrais critiques de cinéma sont suffisamment rares à la télévision, alors sauvez Micheline !

D'autant qu'elle a la classe - héritée, sans doute, de la méthode giordano, quoique méthode? manière giordano. A ceci près qu'elle surpasse le maître : elle assume pleinement ses critiques, elle n'a pas besoin de porte-voix, elle ! -, je disais donc qu'elle a la classe de s'intercaler entre les bandes-annonces, contrairement aux autres (ciné-dimanche de tf1 et grand écran de m6) qui s'y répandent lamentablement en palabres. Là, je peux boire ses paroles tout en profitant de son sourire en amuse-gueule et ensuite déguster les bandes-annonces. Raffiné, n'est-ce pas.