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Tarantino, non satisfait
de soigner les caries de ce bon vieux cinoche à la
veille de son centenaire, propulsait, du haut de sa vigie
avant-gardiste, en 94 et conjointement à l'effraction
palme d'orisée Pulp Fiction une BOF, osons le
terme, progressive. Balbutiements d'un effet actuel conjoncturel
repris par Chale et consorts -cut Killer et DJ Abdel dans
la même mêlée : le mélange. Le mixage.
Naguère, un signifiant, quelle que soit son appartenance,
était systématiquement affublé de référents
imposés par les paradigmes de l'environnement mental.
Avec la collection atypique concoctée par le réalisateur
de Reservoir Dogs, on pouvait enfin entrevoir le bout
d'un tunnel, celui du renfermement, des clivages. Il était
temps de retirer les toiles d'araignée. Et si les cartes
ciné Illimitées tant décriées
étaient les héritières, version vénale,
de tous ces efforts? Le contre exemple de ces bienfaits a
priori étant les attroupements dominicaux devant les
multiplexes UGC comparables aux queues des Mac Do les yeux
rivés sur les multiples menus. On ne peut envisager
le septième art comme un bout de barback folle fourrée
entre deux tranches de pain, bon sang. De deux choses l'une
: soit les formules lancées par les deux structures
ennemies, UGC et MK2-Gaumont, raffermissent l'idée
d'une consommation effrénée et vulgaire, un
exutoire classique aux vicissitudes de chacun; soit elles
conduisent à une manière de facture inconnue,
et pour l'instant vierge de tout plan marketing, de nous appréhender
autrement, nous et nos avis souvent trop définitifs
sur tout et n'importe quoi.
Passer d'un univers à un autre, pour résumer
prosaïquement, jongler entre une bouse ultra-formatée
et une œuvre plus intimiste (mais où s'arrête
le formatage? où commence le cinéma soit disant
d'auteur?), bref accepter aussi bien "Les Destinées
sentimentales" que The Cell (attention au piège)
suppose une désorientation. Et si les boussoles n'étaient
plus d'aucune utilité? C'est vers de tels glissements
d'ouverture et de curiosité que peuvent tendre les
cartes Illimitées qui prendront radicalement le large
dès que les autorités hydoines auront admis
qu'il faille rajouter de l'orange sur ces instruments de découverte
sans fond, un adjuvant indispensable à la survie de
tous les exploitants. Intellectualiser la situation est un
préliminaire, tenir compte des impératifs économiques
est une considération tout aussi essentielle. Viendra
alors l'heure d'une bacchanale tourbillonnante. Le panorama
semble aujourd’hui moins bouché, il offre dorénavant
des lignes de fuite aux perspectives opulentes et luxurientes.
Un pas de plus vers l'oraison funèbre des lignes Maginot
de tout poil, vers la débâcle des frontières,
vers, en outre, le démantèlement de l'idée
de possession.
Le système des cartes
Illimitées repose sur ce corollaire éclatant
qui consiste à se débarrasser de l'argent physique,
indice ultime d'une existence sociale -"j'ai de la tune, donc
je suis". Ablation des habitudes narratives, abandon de soi
devant une offre multiple de scénarios, de climats
et fin des restrictions typiquement judéo-chrétiennes.
Il n'y aurait donc plus de propriété pécuniaire,
juste un attachement relooké et remodelé à
nos accointances de départ, à nos sensibilités
fondatrices. Un renversement hérétique de la
vapeur et de la valeur de la monnaie. Troquer le billet contre
une carte à puce revient ni plus ni moins à
repenser les lois de la propriété, une réfection
sans gravité car vecteur d'une nouvelle unité
de marché : la réflexion. Ne plus se fier qu'à
son seul instinct, ses pulsions sonnantes et trébuchantes.
"Dans vingt cinq ans, l'idée-même de propriété
paraîtra singulièrement limitée, voire
démodée", prédit Jeremy Rifkin dans
son dernier essai, L'åge de l'accès (La Découverte,
2000). Euréa! L'eure est à l'intellect. Big
Brother ne pourra pas nous l'cheter car le bail contracté
avec notre matiére grise est lui aussi illimité.
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