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Felix et Lola (c) D.R. HOMEWORK



Par Cyrille GUERIN


A Berlin où il était en compét' officielle, le dernier conte mièvre, mais foutrement honnête, de Patrice n'a reçu aucun Ours. Heureusement ! Car, si l'on s'en tient au cahier des charges qualitatives régissant un festival quel qu'il soit, Félix et Lola est à des encablures intersidérantes de la norme Iso 9047,63, plus proche assurément qu'il est du zéro + l'infini. Seulement voilà, la variation 2001 du réalisateur Soupline sort quelques griffes qui rayent le parquet d'un scénario démesurément conventionnel : un Torreton enfin acceptable ainsi qu'une surenchère de haine, ou de désamour, parmi les critiques qui n'est pas sans rappeler les commentaires comiques embaumant l'arrivée imminente (le 13) du deuxième Daft Punk. Des mecs suscitant pareil emportement ont vraiment la classe.



  Felix et Lola (c) D.R.

La semaine dernière, alors que j'étais en overdose de métropolitain parisien (précision utile pour mes amis démagos qui ont bien entendu compris que le métro il n'y en a pas qu'à Paname - excusez pour cette familiarité parisianiste), le phénomène n'étant pas exceptionnel puisque ma difficulté de plus en plus insoutenable à supporter la vision de morts (de temps à autre, P est là, contre ma hanche droite en général, qui m'extrait furtivement de cette sépulture quotidienne célébrée par la très évangélique Carte Orange étant donné qu'elle permet de passer de vie à trépas), la semaine dernière, donc, tandis que l'état de zombie me gagnait doucement mais insidieusement, quasiment échappé d'un Scorsese névrotique à souhait (pardon pour le pléonasme), je décidai de m'adonner à une excursion argent virtuel du côté de Bastille. Prise de risque inconsidérée mon compte affichant une somme relativement négative vu que j'ai investi dans de délicieuses Adidas à pas de prix il y a peu. NB : acheter des pompes griffées à 500 sacs n'est pas forcément faire le jeu de la mondialisation économique, passer son samedi après-midi à dévaliser le rayon Vache Folle de Carrefour est, à ce niveau de réflexion fatiguée, atrocement douteux. A bon entendeur. Revenons à nos porcs tremblants ou à nos moutons aphteux : en pleine exploration anthropologique du rayon électronique de la Fnac Bastille (et allez, encore une preuve de mon libéralisme - Jean-Pierre-Gaillard achevé, décidément, je tends la verge pour me faire battre : tant mieux, car il se trouve que j'adore ça), à la recherche d'une bombe à me carrer dans les esgourdes, j'entends, effrayé, l'affirmation adulte suivante : "tiens, lance un jeune homme les panards pumasés, le buste recouvert d'un boléro vert des plus seyants, j'ai écouté le nouveau Daft Punk, il est pas top".

Felix et Lola (c) D.R.

Ton blasé semblable à celui d'un vieux con tirant à bout portant sur la techno, vous savez ces anciens combattants de Mai 68 qui, eux, ont vu Lennon et ses sbires sur scène, qui ont enfanté la Révolution sexuelle, qui ont raillé les CRS, qui ont créé "Libération", ce putain de canard qui se déplace avec des béquilles tant il a mal amorcé le virage du libéralisme sauvage, ce satané beau projet de changement, bref ces héros qui ont cessé de l'être depuis qu'ils ont fait des gosses, depuis qu'ils nous ont fait des gosses dans le dos (non, non je ne résilierai pas mon abonnement à "Libé" car, à peine, sortais-je du ventre de ma mère, les rotatives de la rue Béranger bruissaient déjà de la plus belle des déclarations d'amour : dévastation, rébellion). Le jeune vendeur de l'autre jour pratiquait du Mai 68 sans le savoir, tel Jourdain. Revenu de tous les champs de bataille, incapable du moindre enthousiasme. A son corps défendant, nous ferons observer que les conditions de travail dans lesquelles il évolue ne doivent pas créer chez lui une aptitude à l'enchantement, grisé, sans doute, par un va-et-vient incessant d'émissaires de maisons de disques tentant de lui refourguer n'importe quelle daube compacte. Remarque à l'identique s'agissant de Félix et Lola, énième guimauve regrettable, mais qui fout véritablement le cul par terre, de Patrice Leconte, les critiques qui font autorité, courant de projos de presse en projos de presse, n'ayant sans doute plus assez de recul pour dissocier le grain de l'ivraie. Dans sa livraison 2001, l'odyssée des bons sentiments à deux balles est à nouveau inscrite au tableau de bord du cinéaste. Le binôme campé par Torreton, en crise jouvencelle d'affranchissement tavernieresque, et Gainsbourg, plus bel hommage vivant de la disparition du / d'un père, ne se cherche pas. Pourtant, il se trouve entre deux autos tamponneuses, théâtre forain à ciel forcément ouvert exhumant de bonnes odeurs de graillon et d'amour en béton armé, dur comme l'érection matinale.