C'est là, entre les frites immondes
et la moule avariée, que Félix et Lola vont renaître,
qu'ils vont déchirer les tripes de l'attachement mutuel
sans crédit, s'introduire dans les entrailles visqueuses,
facilement perméables, de l'enchaînement corporel
et cérébral. Putain ! C'est là qu'ils vont
s'aimer immodérément, embraser leurs lèvres,
faire fusionner leur sexe. Qu'ils vont découvrir que
le couple n'existe pas. Que la fuite est tellement plus simple.
Bon sang, il ne faut tout de même pas sortir de la cuisse
de Jupiter pour intégrer, paresseusement certes mais
à l'aide d'un électrochoc puisé au plus
profond de son vécu actuel ou passé, le lien phallique
et vénéneux qui sangle les deux personnages. Union
magnifiquement actualisée par une caméra innocente,
touchante dialoguant avec les anges de la candeur.
Leconte n'a pas à rougir
de honte d'avoir réussi à réoxygéner
le plus vieux, mais également le plus ringard, genre
cinématographique qui soit : le film d'amour. Bien sûr
que les ficelles qu'il utilise sont râpées, usées
jusqu'à la lie du laxisme diégétique. Bien
sûr que le réalisateur de l'affligeant Veuve
de Saint Pierre n'a pas beaucoup de mots à son vocabulaire
narratif. Bien sûr que son film est assez raté.
Sauf que pas totalement puisqu'il joue tout schuss sur le registre
de l'empathie. Sans exhiber les violons d'André Rieu.
On est ici en pleine terre de niaiserie effectivement. Toutefois,
les propos rances et essoufflés de certains critiques
à l'égard du Leconte, même s'ils sont éminemment
justifiés via des exhumations cinéphiliques hardies
et probantes, sont en totale correspondance avec les dires aigris
du vendeur de la Fnac vis-à-vis du Discovery de
Daft Punk. Scoop entre nous : je ne l'ai pas écouté
ce skud (ben oui, la vie d'un critique n'est pas faite que de
privilèges) mais la franchise himalayesque, en d'autres
termes incompréhensible puisque inatteignable pour beaucoup
de mortels, de Bangalter et de De Homem Christo, Jésus
Christ de la house'n'roll monstrueusement dépressive
et épicurienne (font chier ces paradoxes qui articulent
nos tristes existences comme le sujet une phrase bien construite),
augure d'un disque une fois de plus jouissif, jubilatoire et
succulent à en inonder les draps. C'est écrit
quelque part entre les délires moquettés des Floyd
et les épiphanies boule-à-facette de Earth Wind
and Fire
Parallèle malséant mais
fichtrement sincère : Leconte et les Daft tracent, à
mon humble avis (convient aujourd'hui de préciser que
c'est bien moi qui m'engage dans de telles déclarations
: ceci pour prouver, il faut toujours prouver, que, contrairement
aux apparences, je ne suis pas un dieu et, merci, j'en ai cruellement
conscience), des trajectoires composées d'un mauvais
goût évident et aveuglant mais javellisées
par une osmose indéniable avec la Vie. La vraie, pas
celle labellisée épizootie d'une chaîne
de grands magasins catholiques. Alors oui, pour toutes ces raisons,
Félix et Lola est un grand film, un grand moment
de cinéma. Il suffit juste pour tenter de s'en convaincre
de refuser, jusqu'à en crever, de ne pas grandir. Le
monde est bien triste sans imagination.