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Esther Kahn (c) D.R. ONE MORE TIME
Rentrez dans le placard,
y¹a plus rien à voir



Par Cyrille GUERIN


Sortir du placard, l'outing en langage homo, est très en vogue, voire à tiroirs : chez nous, depuis que Bertrand Delanoé a révélé son penchant pour les mâles, les comings out envahissent la tévé : "Jour après jour" en automne 2000 ; la très coquette série Dawson et ses accents spielbergiens, diffusée sur TF1 le dimanche à 17H00, possède dans son éventail de personnages stéréotypés et doutant, pourtant, un charmant jeune gay. Le cinéma local se devait de rattraper le retard. Si Sébastien Lifshitz ou Rémi Lange et leurs plaidoyers pédés avaient, du côté des convertis pressés jusqu'à la pulpe, bien débroussaillé un terrain rempli d'herbes folles, les écrans popu étaient jusqu'à très récemment encore à la traîne. Après l'acceptable Pédale douce, c'est malheureusement le pas très fùtfùt' et fort fédérateur Veber qui a récupéré cette bombe à retardement que porte l'image homo au septième art. Seul intérêt de son entreprise en crise : suggérer à toutes les différences de rentrer dans le placard aussi vite qu'elles en sont sorties. Ce afin de laisser s'exprimer le Vrai Moi, celui qui donne toutes ses lettres de noblesse à une histoire personnelle enfin lestée de toutes ses particularités singulières qui nous empoisonnent en société. Et permettre au Daft Punk qui est en nous de rugir.



  Presque rien  (c) D.R.

Dans tous les ouvrages consacrés à la question homosexuelle - pardon pour cette fixette mais si l'hétérosexualité possédait une originalité notable, les étales des échoppes littéraires seraient bondés de bouquins sur cette problématique aussi chiante que la pluie (écoutez concentrés les dernières compositions de De Palmas et vous en serez convaincus) - le coming out apparaît, et quelle que soit la hiérarchie thématique agençant le livre, tel un modus vivendi en rotation interminable sur lui-même dans la table des matières desdits ouvrages. Grosso modo, la question abordée est obsessionnelle : faut-il ou non sortir du placard? Pour les gays, sacrifier à cet exercice à double tranchant, c'est-à-dire sortir d'un placard dans lequel, entre parenthèses, ils se sont enfermés au lendemain de la seconde guerre mondiale en se regroupant dans des quartiers comme le Marais à Paris ou Notting Hill à Londres (avant, aux études traitant de l’homosexualité, hommes ou femmes reconnaissaient spontanément, et sans tabou, avoir vécu une expérience avec une personne du même sexe), consiste donc à dévoiler son homosexualité à son entourage. Démarche en général longuement et mûrement réfléchie. Comment ne pas choquer, heurter, déstabiliser, rentrer dans le lard ? Comment, en outre, faire preuve de dextérité en tentant de diluer ce choix hors-norme dans une nomenclature humaine des plus installées, comme inamovibles ? Comment ne pas provoquer les pédés ou goudous refoulés tout, évidemment, en le désirant secrètement ? Sacrée dualité qui nécessite, pour certains, un apprentissage de la vie par le septième art, caisson à oxygène de l'homosexualité. Ce média, parce qu'il s'affranchit de tous les interdits édictés par les grands soi-disant rationnels, ne prend pas autant de gants (belle scène de coming-out pur et léger dans Presque rien, par exemple) que la réalité.