Les années
80 seraient donc, ces temps-ci, l'objet de pèlerinages
de tous poils (Madonna réhabilitée, Daft Punk
en pleine récup' œdipienne 80's, ACDC au Stade de France,
Gérard Holtz au JT, Lang et Fabius à des portefeuilles
ministériels essentiels), stations ciné comprises
dans ce forfait nostalgique La croix et la bannière,
toutefois, pour Francis Veber qui, avec Le Placard,
démontre que, sous les dehors imbuvables d'une tolérance
vieillotte à la Jean-Pierre Pernault, l'éthylotest
en sus, les pédés n'ont pas fini de porter leur
couronne d'épines. Mais le système n'a pas eu
raison d'aventuriers comme Leconte - un faiseur qui a bien
du mal à couper le cordon avec une costumisation très
eighties mais c'est pas grave, ou Jean-Jacques Annaud qui,
lui, revient de loin et la fleur au fusil. Stalingrad,
sa fresque inflationniste, déshabille, dans un fatras
organisé un scénario pandémonium, la
figure du héros et canarde un quatrième pouvoir
qui, en quête de pères charismatiques, torche
son boulot.
One more time, le
dernier clip classieux des Daft, donne dans la confession
manga, en correspondance ultime avec quelques chromos animés
jaillissant de notre boîte à souvenirs scolaires
comme le sperme lors de la copulation. Le duo versaillais
a fait appel au papa d'Albator pour insuffler une seconde
vie, celle d'après dance-floors, à leur tube
cataclysmique post "Homework". C'est là un signe de
recherche généalogique flagrante. Mais où
est donc ce fichu père dans l'arbre familial, semblent
interroger les inventeurs de la house'n'roll ? A quoi ressemble-t-il
ce héros perdu dans les racines empoisonnées
d'une vie qu'il n'a pas désirée, comme tout
le monde au demeurant. Pourquoi a-t-il fini par raccrocher
les gants ? Pourquoi nous a-t-il laissés sur le bord
du chemin comme de vulgaires auto-stoppeurs en quête
d'on-ne-sait-quoi ? De sens ? Pour Bangalter et son pote casqué,
l'incarnation impeccable et increvable du père ressemblerait,
entre autres et selon les humeurs, au pire ennemi des Sylphides,
Albator. Pas étonnant que, depuis le 7 novembre 2000,
date de sortie du premier single de Discovery, on se
foute allègrement de la gueule des deux gosses pourris
gâtés de l’électronique locale. Car identifier
le père, lancer notre Interpol intérieur à
ses trousses, le débusquer dans le moindre visage d'amant,
dans la plus infime des rencontres, dans la forêt faciale
urbaine ou dans un fight sampling constitue un acte excessivement
puéril. Un peu comme ces gamins paumés dans
la cour de récré qui hurlent, braillent jusqu'à
l'extinction de voix : "Je veux mon papa". Or, papa
il est pas là. Il est au taff, à la mine, à
l'usine, au Leclerc, dans la sphère des adultes en
gros. Il faudra attendre 17h pour le voir débouler
dans sa golf GTI d'adulte qu'il a achetée avec un emprunt
sur cinq générations d'adultes. Peut-être
même qu'il ne viendra pas trop affairé qu'il
est à planter des choux à la mode de chez nous
dans le jardin familial, à arbitrer un match de foot
foireux sur le stade municipal, à jouer au tiercé
dans le PMU du bourg... à tromper maman, qui sait?
Peut-être qu'il ne sera pas là. Qu'il ne sera
plus là.