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Jean-Marie Messier  (c) D.R.

Aujourd'hui, nous pouvons respirer et continuer de dormir peinards car nous avons enfin trouvé le père. Il a une tronche pas possible, comme s'il s'était fait minable toute la nuit dans un bar sordide d'autoroute. La mine du père, ce héros en phase terminale de putréfaction. Notre père qui n'est plus aux cieux depuis belles lurettes s'appelle la Fnac, Auchan, Gap, Celio, HetM... Jean-Marie Messier. Il est hyper sympa notre vieux Jean-Marie parce qu'il nous offre à chacun un micro ordinateur avec connexion Internet illimitée (plus d'excuses : dorénavant, vous pourrez tous surfer sur Objectif-Cinéma.com et mesurer véritablement à quel point nous sommes tout sauf cyniques, juste un tantinet clairvoyants). Grâce à ce géniteur de substitution et de pacotille, nous sommes tous les frères et soeurs de Philippe Gildas, Thierry Dugeon et de Bruno Louzier (un pote qui bosse pour Messier.fr(issons dans le dos)). Petit hic : Jean-Marie, tout généreux que tu es, tu ne seras jamais mon père, pas plus que celui de Gildas, Dugeon ou Louzier. Le héros paternel de ce dernier habite à des kilomètres à la ronde de la boutique hideuse Vivendi de l'avenue Hoche. Il est retraité, a le visage abîmé par une tâche noble accomplie pendant des années certainement interminables dans une usine chargée en produits toxiques, Paulstra, sise à Segré (49). Ce ne sont pas des stock options de pauvre fortune dont Niouniou (surnom que lui a confectionné Sandrine, sa pacsée) ne verra qu'une maigre couleur qui tisseront un lien sacré avec toi. Excusez-moi pour le tutoiement. Mais après tout, vous êtes notre père à tous. La familiarité que vous revendiquez tant dans vos larmes dramaturgiques m'y autorise. De même qu'elle m'oblige à prendre mes distances avec vous.

  Stalingrad (c) D.R.

Le problème est posé. Jean-Jacques Annaud l'a visiblement bien analysé renouant dans Stalingrad, enemy at the gates avec l'héroïsme musclé aux stéroïdes, amenant une pierre angulaire paternelle qui nous manque cruellement de nos jours mondialisés, que notre vieux soit mort ou pas. Stalingrad, automne 1942. Jude Law est Vassili Zaitsev, tireur d'élite russe. Ed Harris est le major Konig, son homologue allemand. Il y a dans ces "est", copules volontairement employées, une ardeur confiée à tomber dans le plus beau des clichés cinématographiques, celui dont regorgeaient naguère les superproductions d'aventures, de cape et d’épée. J'appelle ce "est" à la rescousse, à l'instar de Christophe Gans, qui sur les affiches déclinées de son "Pacte" refait sienne cette formule d'antan, délicieusement surannée : "Samuel le Bihan est..."; "Jérémie Rénier est..."; "Emilie Dequenne est..."... Sublime rencontre, presque sexuelle, entre un interprète-thème et son personnage-prédicat. "Mon père est ce héros". Dans la fresque somme toute assez boursouflée, dans ses préliminaires, d'Annaud, Jude Law est mon héros, l'ombre de mon père que pendant deux heures dix j'ai, avec plus ou moins de plaisir, (re)fréquenté. Rarement, Jude Law n'avait été aussi brillant, aussi bien dirigé, dessinant les abscisses et les ordonnées, la tête haute comme snobant les nuages, du héros sévèrement burné comme on ne l'attendait plus, prêt à chialer entre deux coups de mitraillette. Vassili médiatisé par un fait d'armes légendaire se retrouve donc dans le colimateur, et dans la ligne de mire, de Konig. Un héros fabriqué de toutes pièces et volant la vedette, c'est toujours embarrassant. Il faut bien, un jour ou l'autre, tuer le père.

Stalingrad  (c) D.R.

Entre les deux, s'installe un jeu assez palpitant du chat et de la souris. La force de ce long-métrage qui tourne habilement la page écornée de Sept ans au Tibet prend également ses emphétamines dans sa critique en sourdine d'un monde ultra-médiatisé qui, productivisme de rigueur, pisse du héros jettable comme un scribouillard de la copie. C'est dans les tentacules de cette machine impitoyable que Vassili est fait prisonnier. Traqué canoniquement par Konig, et pour justifier le sot de pop corns, il n'en est pas moins aux prises avec la célébrité, la renommée. Les journaux en raffolent, flanquant son minois en Une dès qu'il aligne quelques soldats allemands. Au début, il en explose de joie. Puis s'immisce le doute, la culpabilité d'une pareille mysthification. Pourquoi sa trombine tous les matins au sommaire des gazettes ? Pourquoi les Daft titillent-ils les nerfs de leurs fans en apparaîssant toujours masqués ? Le mois prochain, les bacs à disque déjà bien remplis feront une petite place à Karl Bartos, ancien membre de Kraftwerk. Un extrait new wave de son album s'intitule 15 minutes of fame, sorte de spéciale dédicace au prémonitoire Warhol. Stalingrad, enemy at the gates apparaît dans ses retranchements d'intertextualité comme une épitaphe warholienne à bien des égards. Jean-Jacques enfin anal.



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