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Daft Punk (c) D.R. VERY DISCO
One more time

Par Cyrille GUERIN


Comment dire l'indicible? Cette question briseuse de neurones pour les critiques, et ce quel que soit leur champ d'action, n'en finit plus d'exténuer ma petite cervelle depuis que Dieu m'est apparu en ce jour inoubliable, inqualifiable, de février 01. Imaginez un petit Bordeaux. Un de ces délices produits dans un vignoble du sud ouest qui, longtemps, après l'avoir dégusté vous reste, pour des raisons infinies, au travers de la gorge. Cette réaction de béatitude interminable se présente aujourd'hui sous un jour clippé : celui du One more time des Daft Punk. Apogée de perfection millésimée, cet objet manga nous la coupe jusqu'à la lie. Tout n'est pas totalement chaos !



  Daft Punk (c) D.R.

Dans les seventies, c'était avant-hier, les clubs, les radios G.O et les allées O Cédar des supermarchés, un temps contestés par Gérard Rinaldi et les siens avec la complicité meurtrie de Galabru, se dodelinaient furieusement sur Celebration, le hit funky pétroleur de Kool et son gang, Charlots blacks de la disco quelque part entre Dalida et Délégation. Avec une bonne paire de jumelles.. Aujourd'hui, les radios G.O devenues F.G. broient la colonne vertébrale de leur play list en diffusant, obsédées, le méga hit Eurovision ou Mondovision des Daft Punk. Au début, lorsque les boîtes branchouilles de Paname ont commencé à programmer le skud, on s'est allégrement gaussé de One more time, invoquant la vocodérisation à outrance de l'ensemble. On a un temps spéculé sur le retour ultra violet de Cher made in Do you believe ? ritalisée par les très foireux Eiffel 65. On s'est moqué. On a osé. Ici, toutes les bonnes idées sont sources de billevesées. C'est sans doute par cette étrangeté locale que la France se rue en masse sur les blockbusters américains et crachent sur Le Pacte des loups. On en vient presqu'à envier les aveugles et les sourds. Eiffel 65, tout comme Aqua, auront juste permis aux Inrocks de montrer à quel point de démence ils en sont parfois rendus. Effet d'optique pour Eiffel 65 et son mauvais tour de passe-passe estival d'il y a un an et demi. Six mois ont passé depuis le 7 novembre 00 et One more time fait encore se trémousser, dans un hédonisme indécent, les pistes et les ondes. Seules les grandes surfaces, camps de concentration modernes, n'ont encore rien compris préférant insulter leur aimable clientèle avec du Ségara aphteux. Vive NRJ !

L'after "Homework" ne pouvait pas se gaufrer. Car rarissimes sont ces disques qui vous autorisent à lever la tête dans la rue, à avancer fièrement bravant la normalité la plus sordide. Le premier chef d’œuvre des Daft avait donné quelques espoirs en matière maritale : j'ai personnellement fait un rêve, celui de me défoncer sur Around the world dans un mariage chiant en province. Vœu pieux. Je ne me rends plus que très sporadiquement dans ces réunions insensées de névroses contenues et de bonheur honteusement déballé (merci Xavier Beauvois pour votre percée zolaenne), de varietés avariées. Ras le cul de ce foutage de gueule. Discovery, second, voire deuxième, éléctrochoc du plus grand groupe de la terre toute entière, est, comment dire l'indicible ? une apothéose, une terre d'exil, un respect pour toutes les oreilles, celles des beaufs comme celles des branchés, celles des homos comme des hétéros, celles des provinciaux comme celles des Parisiens, vénérables gens de gauche au passage. Les spécialistes de la chose musicale sans frontière, en l'occurrence, ont pissé suffisamment de copies sur le compte de ce grand disque, la plus valeureuse ayant été rendue par Didier Lestrade dans le Nova Mag de mars 01. Pas la peine d'en rajouter. Juste écouter, encore et encore écouter cette pureté venue d'on ne sait où.