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Puis voir, toucher des pupilles
le court-métrage dégoulinant de génie
et coloriant les incantations à l'ataraxie psychotique
de One more time. Mis en image par Matsumoto, docteur
ès mangas (re)connu pour ses activités albatoresques
dans la première moitié des eighties, cet engin
protubérant qui déverse de savants chromos de
naïveté à la chaîne met, en outre
et efficacement, du beurre dans les épinards de l'enfance
par le truchement cannibale d'une force de frappe dialoguant
férocement avec les travaux scolaires de Bangalter
et Homem-Christo. Des leçons savamment marquées
à la culotte des deux compères robotisés,
casqués, sans ombre et, qui plus est, stérilisées
de toute forme de prise de tête, actualisées
par Why don't you play the game ?, ce douloureux appel au
ludique ininterrompu lancé comme un SOS dans -comment
dire l'indicible ? Le brillant Digital love, troisième
bombe de Discovery. Matsumoto et les Daft ne pouvaient
que fusionner. Les dessins légèrement obsolètes
du premier jouant subitement à la marelle sur une piste
de night-club parsemée de tubes étoilés
jusqu'à l'aveuglement, lesquels tubes nous poussant
dans nos derniers, et malgré tout incassables, sursauts
d'adolescents nourris aux riffs désormais ringards
de Van Halen, aux mélodies Toc 50 du Rondo Veneziano
ou au piano Lexomil de Supertramp. Autant de guests qui viennent
jouer les caméos tout à coup chicos sur la dernière
cour de récré cerclée de boules à
facettes des Daft. Vestiges, réminiscences ou vieilleries
sorties du cercueil et repensées avec une virtuosité
dégotée au rayon gosse de notre supermarché
de souvenirs intimes. Albator figure, bien entendu, dans cette
galerie d'art complètement Fripounet, absolument régressive.
Mais qui ne l'est pas à commencer par tous ces anciens
du Biactol enthousiasmés par les exploits house du
duo il y a cinq ans, à l'époque où en
gros NRJ ne les avait pas encore repérés. Aux
oubliettes les prodigieux moteurs à réaction
filtrés du binôme, entonnent tous ces médiocres
et ingrats empêcheurs de danser en rond, reprenant bêtement
le même refrain écorché : "C'était
mieux c'qu'y faisaient avant, les Daft".
"We're gonna celebrate", propose Romanthony, voix
tubulaire de One more time. "Celebrate good times
come on", lançait il y a quelque vingt ans Kool
and the gang (hommage royal rendu par leurs cadets versaillais
dans Voyager, prochainement synonyme de lumbagos).
Le manifeste festif et résolument politique n'a pas
changé d'un iota. Ce sont les mentalités qui,
entre temps, ont été comme réfrigérées,
à peine bonnes à passer au micro-ondes. Ne cherchez
pas dans le mode d'emploi de votre four cancérigène.
Ne fourrez pas non plus votre tête à l'intérieur
de ce réceptacle de viande tremblante : il n'existe
visiblement aucun thermostat pour endiguer le mal. A la veille
des années 80 si joliment anticipées par Jonasz
(bizarrement, celui-ci n'est pas convoqué à
l'orgie sonique des Daft : pas assez décalé,
sans doute), on savait ce que trimer signifiait. Les mots
avaient encore un sens. Putain, un sens. Il n'était
pas d'Etienne Mougeotte, chasseur de ménagères
de moins de cinquante ans, en quête hideuse de sens
privatisé. Les situations avaient un sens tout simplement
parce que les dance floors accueillaient des cerveaux fatigués
par une semaine éprouvante à l'usine et non
pas de la chair à frustration fabriquée dans
des boîtes de com'.
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A présent "plus
rien n'a de sens / plus rien ne va". Mylène, désenchantée
en rut dont les hymnes libertins accompagnent la petite famille
dans les courses du week-end, ne s'en fout pas autant que
la légende qu'elle s'est construite veut bien le dire.
Tout est chaos, effectivement. Les bouffeurs boutonneux de
Fraises Tagada et de Chupa Chups grattant délicatement
leurs Gibson ou effleurant gentiment les touches de leur Yamaha
dans le clip de One more time ont zappé cette
donnée de leur mémoire. Itou pour leur public
de nanas rachitiques et de garçons péroxydés
qui s'éclatent à s'en détruire les os
dorsaux sur l'air entêtant des inventeurs de la house'n'roll.
Que penser des agents qui, épris d'un même élan
frénétique, en viennent, à bord de leur
vaisseau spatial, à une distraction fatale qui, manifestement,
leur coûtera la vie, ne voyant pas / plus le mal débarquer?
Ces inconscients festoyant sur de la dance plus qu'ameliorée,
c'est nous, ni plus ni moins, pauvres petits humains qui,
plutôt que de plonger la tête dans la fange actuelle,
passons nos samedis et dimanches chez Gap ou à la Fnac
les yeux évidemment bien fermés afin ne pas
être irradiés par la merde radieuse qui n'en
finit plus de nous squatter. Alors oui, par pitié,
avant le coup de grâce qui finira bien par arriver,
brutalement on vous aura prévenus : "One more time
we're gonna celebrate / Oh yeah all right don't stop the dancing".
Un effort, donnez un peu d'éclat à vos mariages
élimés en incendiant vos soirées dansantes
et pseudo -amusantes avec ce hit de bravoure. Ayez une pensée
pour les enfants que vous ne manquerez pas de mettre à
l'immonde. Souvenez-vous que la vérité sort
de leur bouche. Même si ça fait mal. En vérité...
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