"La vie est décidément trop courte", du moins
c’est ce qu’affirme François Cluzet dans une pub pour
une banque sans guichet un tant soit peu humain. Et notre
budget mensuel, kidnappé par une soif moderne du toujours
plus, d’anti-corroborer l’optimisme slogan, sous des jours
budgétaires à la précarité préoccupante
: les mois sont décidément trop longs, hulule-t-il.
Déclinaisons médiatiques de cette vie décidément
trop courte, ou trop longue selon notre degré de clairvoyance,
les lofteurs de M6 qui, confrontés à la surexposition,
offrent un édifiant contraste à l’écheveau
cinématographique très en vogue qu’est la mort.
Deux reflets de la vie.com pourtant perpendiculaires, leur
fibre funèbre est vécue - conçue? avec
une bonne dose de détachement. Morts de rire?
Le long, très long, week-end
de Pentecôte 2001 m’a mis face à moi-même.
Les amis, souvent absents dans les situations de détresse
les plus aiguës, avaient décidé de mettre
les voiles. Et de répondre aux abonnés absents,
profitant de cette religieuse parenthèse pour noircir
leur agenda de rendez-vous avec "mon mec", "ma copine" ou
"mon ego". Flânant dans ce labyrinthe ludique que sont
les Buttes Chaumont (Paris, 19ème), le portable à
la main, à la fois léger et plein de vide, j’eus
l’occasion de découvrir l’étendue des / de mes
dégâts : les allées jalonnées de
groupes, de couples, et, horreur, de familles endimanchées.
Une vraie couve de Télérama que ce parc férié.
Nécessité de se retrouver agglutinés
les uns contre les autres, à se parler tout en monologuant,
à rappeler les gosses à l’ordre ("tu fais encore
ça et je te fiche une raclée" : bienvenue dans
le monde adulte, petit!), à prouver au marcheur solitaire
que l’on existe - promener son petit clan en public revient
somme toute à trimballer fièrement un sac griffé
à la main. Face à toute cette belle démonstration
de communication pulsionnelle, le marcheur agrippé
à son mobile qui ne sonnera pas, finalement, dépareille
quelque peu. Voire agresse. Véhiculant ce qui peut
arriver de pire aux pauvres mortels que nous sommes : l’esseulement,
l’abandon, la commisération. Mauvaise remontée
de Raviolis ingurgités à midi ? Toujours est-il
que ce lundi de Pentecôte, en plein coeur d’une ville
censée favoriser la fusion à tout prix (transports
en commun synonymes d’osmose quelle que soit l’heure de la
journée), privilégiant avant tout le regard,
je me suis senti tel un Jean-Edouard orphelin de caméras,
de jeux scopiques-caméras inconscientes de surveillance,
dans la peau d’un locataire du célèbrissime
loft hertzien mais sans enveloppe existentielle voyeuse, sans
public audimatique sous cutané. En fin de journée,
après ingestion d’une demi-douzaine de crêpes
Nutella semi-calcinées au micro-ondes, ma carte SIM
était toujours en pleine crise d’anorexie. Pas un gramme
d’émissions téléphoniques en vingt quatre
heures. Âme morte contre moral carrément à
l’Ouest.