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(c) D.R. LA BOUTIQUE A OPIUM
Chapitre 4
Par Matt DRAY


Les plaisanteries, j’aime bien ça,
mais à condition que ce soit moi qui plaisante. "

Jules Berry - Monsieur Valentin
Dans Le jour se lève de Marcel Carné


Est-ce mon cœur qui se prend à aimer se fendre en quatre pour un film qui pousse entre mes calculs rénaux dans l’eau de l’ancienne cour d’école et nous lie nous trois, cinéastes incorruptibles, comme des solides poignées de mains indénouables, comme ces cascades dans l’autre bout du monde à l’orée d’une nuit Viennoise, la maudite ?

  (c) D.R.
Je vais les présenter mes frères de sang cinématographiques, qui veulent du cinoche plein dans la figure, qui ont la peine devant tant de médiocres exercices ; il y en a un, c’est un mini-Coppola soixante-dix et pas salaud en plus, qui mouille pour Bergman, qui est tombé dans le nitrate de cellulose tout petit ; et il s’y trempe dans la vase vague pelloche, il s’en prend des heures par ces putains d’intermittents des spectacles qui font bien bouffer et trop enfler peut-être ; mais il ne compte pas crever avant d’avoir existé, sans l’avoir connu l’Apocalypse et now, so… et l’autre, c’est un peu comme une arme contre Franco, qui vous regarde, précis, l’œil mouillé, descendu de 36, de L’Espoir, étonné de vous voir écrasé par tant de défaites, alors qu’il n’est pas plus fort que de savoir lutter, coûte que coûte, à n’importe quel prix, et même si le prix en question en vient à vous arracher les dents, et qu’elle s’y connaît, l’arme anti-Franquiste, en rouge en noir, en torture, comme le type mon frère dedans mon écran ; mon terrorisme à moi…

Nous avions, tous les trois réunis dans ce Paris-paradis-blafard, de quoi dans nos mains, dans nos veines habitées par tant de cinéphilie, d’enfant-écran les yeux qui rient et pleurent pleurent, nous avions de quoi faire un film que l’on attendait plus ; décidément plus. Que ça revive là-dedans quoi, dans les cinémas, que ça ne fasse pas faux de s’y plaire ; nous voulions compter sur de la déstructure dégueulée, du langage pétrifié, de la syntaxe souffrante pour un rien, de tous les maux, de tous les mœurs emmitouflés dans la routine, nous voulions dire à tout le monde qu’il faut y rester dans la salle après un spectacle magnifique ; parce que dehors il fait froid et qu’on va y retourner après la projection. C’est un scandale. Et c’est ce que doit faire un film ; nous foutre la trouille tellement de trouille qu’on ne veut plus y sortir du cinéma, vraiment, qu’on s’est prononcé pour la vie de l’écran, même si ce n’est pas tout à fait vivant là-dessus comme on dit et justement c’est pour ça ! Pour une fois, on peut choisir !

(c) D.R.
C’est pas qu’on s’ennuie, en ce moment, nous trois, comme ça, nos gueules plongées dans le corps aux odeurs infectes de l’autre 8h-18h avant le Dodo avec bobonne, dans les métros, dans les rues, à bicyclette, mais tu as vu les affiches sur les cinémas des films à grand spectacle avec plein du Kung-fu, à te trouer les yeux comme la Mort, la grande dame noire, et des millions bavards comme pas possible, des langues de P. flac flac, des journalistes amis des plus juteuses productions, des jours payés doubles pour des techniciens qui aiment bien le C. des sans-grade petites stagiaires naïves, et des gens comme on en a rien à foutre et des rêves qui ne montent même plus dans notre nuit à nous après quand on est seul ! Qu'est-ce qu’ils font là ? Du mauvais pognon qui te glace l’âme sans peine et t’ordonne de te faucher la pensée, et des dialogues taillés comme la Fell’ de Bruno au Bois de B. vers la Porte Maillot, qui doit bien payer sa viande avant d’embrasser, comme il me répétait l’autre soir ; assouvir sa faim ; ça jute sincère mais… c’est du bien pauvre spectacle sur l’écran tout noir à peine taché, il n’y a plus rien aujourd’hui, ou alors du vite fait en quelque sorte, pour 50 francs ou une carte à l’année, et de quoi remplir la machine 16ème Fédération du ciné, implacable machine à bon vieux caca… Hélas, tout vient de là-bas ! Alors, on va la poser notre demande, nous aussi, pour récupérer un peu de billets, du Cézanne, ô combien elle t’a fait mal la Banque de France, Paul, tu vois la Culture, voilà ce qui arrive quand on se décompose sans qu’on puisse donner son avis, la Culture, c’est l’Etat, c’est la mort ; c’est la mort quand c’est l’Etat, c’est ça que ça veut dire, entends-tu ? Ils ont sali ton nom, ta tête, tes pommes, plus rien ne va, allons ! Mettez-y plutôt cette idiote vieille fille qui se conjugue déjà avec le passé sur les billets, " des pentes " tout en bas comme des oublis sacrifiés, cheveux sales fait exprès, parfaitement désactivée et sa baise qui se fait mettre bien volontiers par l’Ordre et des conseils d’Etat qui dégoulinent Palais-Royal ! Ca fait farce et ça bousille tout, mais c’est très content ! La fille, elle est heureuse, comme ça, elle existe ! Ca va continuer à se les dérider, les fesses ! Ca les aime les billets, et puis la drogue le " mal faux " qui ne pousse pas dans la vessie, alors… Faut bien les connaître les viols dans l’existence avant d’ouvrir sa gorge épouvantablement salie !

Bon bon d’accord, on l’a notre sujet une bombe notre objectivité Dostoïevskienne de la vie des êtres des choses imbéciles et autres trucs machins perchés sur le haut des immeubles, couchés entre un pancréas humide et un os-valeur-fémural-zéro-défaut qui conserve tout son sang froid encore.