Est-ce mon cœur qui se prend
à aimer se fendre en quatre pour un film qui pousse
entre mes calculs rénaux dans l’eau de l’ancienne cour
d’école et nous lie nous trois, cinéastes incorruptibles,
comme des solides poignées de mains indénouables,
comme ces cascades dans l’autre bout du monde à l’orée
d’une nuit Viennoise, la maudite ?
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Je vais les présenter
mes frères de sang cinématographiques, qui veulent
du cinoche plein dans la figure, qui ont la peine devant tant
de médiocres exercices ; il y en a un, c’est un
mini-Coppola soixante-dix et pas salaud en plus, qui mouille
pour Bergman, qui est tombé dans le nitrate de cellulose
tout petit ; et il s’y trempe dans la vase vague pelloche,
il s’en prend des heures par ces putains d’intermittents des
spectacles qui font bien bouffer et trop enfler peut-être ;
mais il ne compte pas crever avant d’avoir existé,
sans l’avoir connu l’Apocalypse et now, so…
et l’autre, c’est un peu comme une arme contre Franco, qui
vous regarde, précis, l’œil mouillé, descendu
de 36, de L’Espoir, étonné de vous voir
écrasé par tant de défaites, alors qu’il
n’est pas plus fort que de savoir lutter, coûte que
coûte, à n’importe quel prix, et même si
le prix en question en vient à vous arracher les dents,
et qu’elle s’y connaît, l’arme anti-Franquiste, en rouge
en noir, en torture, comme le type mon frère dedans
mon écran ; mon terrorisme à moi…
Nous avions, tous les trois
réunis dans ce Paris-paradis-blafard, de quoi dans
nos mains, dans nos veines habitées par tant de cinéphilie,
d’enfant-écran les yeux qui rient et pleurent pleurent,
nous avions de quoi faire un film que l’on attendait plus ;
décidément plus. Que ça revive là-dedans
quoi, dans les cinémas, que ça ne fasse pas
faux de s’y plaire ; nous voulions compter sur de la
déstructure dégueulée, du langage pétrifié,
de la syntaxe souffrante pour un rien, de tous les maux, de
tous les mœurs emmitouflés dans la routine, nous voulions
dire à tout le monde qu’il faut y rester dans la salle
après un spectacle magnifique ; parce que dehors
il fait froid et qu’on va y retourner après la projection.
C’est un scandale. Et c’est ce que doit faire un film ;
nous foutre la trouille tellement de trouille qu’on ne veut
plus y sortir du cinéma, vraiment, qu’on s’est prononcé
pour la vie de l’écran, même si ce n’est pas
tout à fait vivant là-dessus comme on dit et
justement c’est pour ça ! Pour une fois, on peut
choisir !
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C’est pas qu’on s’ennuie,
en ce moment, nous trois, comme ça, nos gueules plongées
dans le corps aux odeurs infectes de l’autre 8h-18h avant
le Dodo avec bobonne, dans les métros, dans les rues,
à bicyclette, mais tu as vu les affiches sur les cinémas
des films à grand spectacle avec plein du Kung-fu,
à te trouer les yeux comme la Mort, la grande dame
noire, et des millions bavards comme pas possible, des langues
de P. flac flac, des journalistes amis des plus juteuses productions,
des jours payés doubles pour des techniciens qui aiment
bien le C. des sans-grade petites stagiaires naïves,
et des gens comme on en a rien à foutre et des rêves
qui ne montent même plus dans notre nuit à nous
après quand on est seul ! Qu'est-ce qu’ils font
là ? Du mauvais pognon qui te glace l’âme
sans peine et t’ordonne de te faucher la pensée, et
des dialogues taillés comme la Fell’ de Bruno au Bois
de B. vers la Porte Maillot, qui doit bien payer sa viande
avant d’embrasser, comme il me répétait l’autre
soir ; assouvir sa faim ; ça jute sincère
mais… c’est du bien pauvre spectacle sur l’écran tout
noir à peine taché, il n’y a plus rien aujourd’hui,
ou alors du vite fait en quelque sorte, pour 50 francs ou
une carte à l’année, et de quoi remplir la machine
16ème Fédération du ciné,
implacable machine à bon vieux caca… Hélas,
tout vient de là-bas ! Alors, on va la poser notre
demande, nous aussi, pour récupérer un peu de
billets, du Cézanne, ô combien elle t’a fait
mal la Banque de France, Paul, tu vois la Culture, voilà
ce qui arrive quand on se décompose sans qu’on puisse
donner son avis, la Culture, c’est l’Etat, c’est la mort ;
c’est la mort quand c’est l’Etat, c’est ça que ça
veut dire, entends-tu ? Ils ont sali ton nom, ta tête,
tes pommes, plus rien ne va, allons ! Mettez-y plutôt
cette idiote vieille fille qui se conjugue déjà
avec le passé sur les billets, " des pentes "
tout en bas comme des oublis sacrifiés, cheveux sales
fait exprès, parfaitement désactivée
et sa baise qui se fait mettre bien volontiers par l’Ordre
et des conseils d’Etat qui dégoulinent Palais-Royal
! Ca fait farce et ça bousille tout, mais c’est très
content ! La fille, elle est heureuse, comme ça,
elle existe ! Ca va continuer à se les dérider,
les fesses ! Ca les aime les billets, et puis la drogue
le " mal faux " qui ne pousse pas dans
la vessie, alors… Faut bien les connaître les viols
dans l’existence avant d’ouvrir sa gorge épouvantablement
salie !
Bon bon d’accord, on l’a
notre sujet une bombe notre objectivité Dostoïevskienne
de la vie des êtres des choses imbéciles et
autres trucs machins perchés sur le haut des immeubles,
couchés entre un pancréas humide et un os-valeur-fémural-zéro-défaut
qui conserve tout son sang froid encore.
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