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  (c) D.R.
Cachons-nous ! Je conseille à mes deux amis de truquer un peu le scénario pour essayer de choper une subvention honorable ; on va mettre ce qu’ " ils " aiment, dans les ministères " culturelifiés ", des " choses " à la mode, des caresses sexuellement admissibles, perméables, des problèmes de famille de mal qui viennent du social-vérité, c’est pour faire fort et pleurer, ça vaut mieux, ça ne veut pas dire qu’ils sont comme ça les gens mais bon ! Je n’ai plus vu un scénario qui s’arrange à défoncer les figures humaines, avec austérité, en offrant les cris de la honte sans artifice, à lancer les têtes contres les murs, en avant, bien de face, que tout se casse… et ce, depuis une éternité ! Parce qu’un scénario comme celui-ci, ça ne passe pas, les commissions ressemblent à une salle W-C toute mitée, où ça fait mal des odeurs du derrière qui restent pour le lendemain, des fois qu’on serait devenu de vraies bêtes, tristes, qui ne chantent plus, dociles, en venant à genoux, la langue dehors avec des grands… ah ! Ces gens-là ! Ceux que tu as bien connus, même eux !

- Ca s’appelle comment, ce qu’on fait là ? demande AB, le mini-Coppola, en plein milieu d’une de nos séances de travail, de remise en style, de trafiquotage, boulot boulot !

- Une version " PIPI ", je lui réponds. Je connais, j’ai déjà fait ça, et j’en ai eu du sale fric pour un petit film. Tu camoufles tes réelles intentions en rajoutant du propre, du lisse, du dialogue dans le genre, du bon beurre, dans un talent qui s’exprime convenablement, qui se tient bien à table, voilà, tu vois… avec la serviette au cou !

- J’ai peur qu’il remarque la supercherie cette fois-ci, intervient OM, l’arme d’Espagne.

(c) D.R.

C’est vrai, il n’avait pas tout à fait tort, le " film à trois " contenait trop d’interminables vérités, toutes abominables, difficiles à dissimuler, le fond des enfers, quelques fois et du feu plein partout, unique…

- Faut pas plaisanter avec ces idiots, fait AB.

- Ils nous feront souffrir, de toute façon, je reprends aussi sec, alors, tentons tout ce qu’il y a à tenter, et voyons le résultat. Je sais bien que des petites " faces " insipides nous prennent beaucoup d’argent public pour faire des films à " Haute " culture, des z’Ozon pas capable de descendre chez Dante, de mettre les mains dans la viande du voisin qui crache la mort lente, par petits bouts, pas belle, et pleure des silences anals affamés, crispés, des z’Ozon léchant des plans qui ne basculent pas, souriant à des éclairages minables dignes des écoles les plus académiques. On voit bien d’où ça vient tout ça ; de la F. ! avant la butte ! C’est pas beau, c’est novice, c’est sans idée, sans chair ni sang ; c’est un prétexte ! Je dis, vas les souffrir les images dans les garages mouillés par des rêves perdus dans des grands soirs illusoires où du brouillard venu du dessous te déshabille, sans que tu renaudes !

D’accord ? D’accord ?

C’est comme ça qu’on l’a trouvé notre actrice, notre première pour notre film, en chevauchant les rues d’un Paris qui se lève, inlassablement, d’est en ouest, du nord au sud, brutal, longtemps. Nous avions fait quelques essais pour ses beaux yeux, son cœur comme une éponge du vrai jus de chair violée, et puis, elle est morte une semaine suivant notre rencontre, renversée par une automobile qui a pris la fuite, lâchement, alors qu’elle pédalait vers l’Ile St-Louis, toute gaie. Nous avons compris après un temps ; nous pensions à un complot, que quelqu’un avait été mis au courant de notre projet, de notre bienheureuse passion, et que ça n’était pas possible, qu’il ne fallait pas nous laisser faire. Nous avons développé les essais et nous l’avons revu sur l’écran de la table de montage, notre chère défunte ; elle conservait sa belle âme dedans l’écran, c’était quelque chose ; à en frémir, juste et humble ! ça nous a fait des bulles drôles dans le ventre ! On l’a tué notre actrice ! C’est un peu de cette façon qu’on écrase le cinéma, maintenant. Ca nous a servi de leçons. Dorénavant, nous nous taisons le plus possible dehors au milieu des oreilles curieuses, et comme ça nous nous remîmes au travail, grattant le bout de chaque nuit glaciale comme des accords de la Neuvième et Beethov’ qui nous attendait, allongé sur le divan, prêt à bondir !…

Ca nous a fait dire, à nous trois, sans hésiter, qu’il fallait y croire à notre film, et même si on nous barrait la route, parce qu’on ne faisait pas dans le bon sens, dans la bonne formule, et parce que nous le disions que nous vieillissions plus vite que les films, et qu’il s’agissait de ne pas comprendre pourquoi ; que c’était un fait indiscutable ! Nous étions contre les divertissements qui empêchent à l’Homme de se poser des questions ! Nous refusions ça ! Ca causait bien des problèmes, visiblement ! On s’en fout !



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