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(c) D.R. LA BOUTIQUE OPIUM
Chapitre 6
Par Matt DRAY


Ah ! misérable chien, si je vous avais offert un paquet d'excréments,
vous l'auriez flairé avec délices et peut-être dévoré.
Ainsi, vous-même, indigne compagnon de ma triste vie,
vous ressemblez au public,
à qui il ne faut jamais présenter des parfums délicats qui l'exaspèrent,
mais des ordures soigneusement choisies. 
"
Charles Baudelaire


  (c) D.R.
Je m'en vais ce soir dans les cinémas du quartier latin, dans une brume qui rougit en me voyant passer, je m'en vais ce soir trouver la salle blanche qui m'effacera ; faire un film, alors, les yeux bien ouverts, et en voir d'autres qu'on a connu enfant, c'est difficile… On me parle de cinéma aujourd'hui comme on tenterait de me vendre un poisson sur le marché public, comme une pute endimanchée, sans penser que derrière tout ça se cache une quête, une soif d'art, une soif qu'on ne peut étancher heureusement, et ça peut-être le Graal ou bien Virgile, Tacite, Vinci, lui qui nous y a bien poussé vers le cinéma avec ses idées de génies, d'ombres et de lumières. Personne ne sait… maintenant, comme il le faudrait, avec un cœur qui bat, une colère légitime…

Ils nous manquent des rôles. Nous y voici. Mais où sont les acteurs ? Eh ! Raimu peux-tu enfin ouvrir ta gueule à nouveau ? Ouvre ouvre ta boîte, cela ne doit être si compliqué au bout de cinquante ans et plus, le bois a bien pourri, il est temps, je t'en prie parce que là, rien ne va plus, joue-moi encore cette partie de cartes, et je te laisserai gagner et te le donnerai mon cœur tout entier de mes mains nues et chaudes et je promets de me battre, les paupières hautes, et d'en faire du cinéma comme mes rêves sans adorer les billets de banque, juste pour m'éveiller, l'encéphale debout, modestement, comme le pain à mes lèvres raides et qui me suffit, alors viens vite me sauver la peau. Ici on oublie les passions ; je n'en sortirais pas de ma désespérance sans toi et tous tes copains cinématographiés. Il m'en faut du courage pour mener à terme mon projet et mes deux compagnons aussi en ont bien besoin de ton courage. Nous traînons, désabusés adroitement par la vie de la société qui nous traque jalousement, comme des êtres qui savent être tout sauf le monde moderne, dans les rues la nuit ; il fait si froid mais nous sommes si libres. Je suis sortis encore une fois du Procès d'Orson Welles (je te rappelle qu'il a pleuré pour toi devant Pagnol en 46 mister Raimiuuuu…) la semaine dernière et quel bonheur ; je n'avais même pas vu ce camion qui fonçait sur moi. Comment ai-je réussi à ne pas mourir cette fois-ci ? Je n'étais pas là, plus du tout, mais ailleurs, transporté dans une autre dimension, onirique, légère, toute mauve, et dans un goût savant, je me plaisais à faire des plans tout seul, rien que pour moi.

(c) D.R.

Je cours à faire des " écoute-moi ma belle silhouette devant l'objectif " ne crois-tu pas qu'il s'agit maintenant de t'embaumer pour l'éternité, moi, tu sais, je te regarde, je ne suis qu'un pur ; je n'ai point de forces pour sodomiser la gloire, n'ai pas l'app… ne pourrait jamais avoir l'app… l'appétit des monstres qui nous ressemblent sur cette terre, bien volontairement, ni la censure facile. Reviens reviens, mon lait motive et rêve vie, c'est de l'autre côté que ça se passe, ma belle, dis-moi peux-tu renoncer à une vie sans art sans cinéma sans le Requiem de Mozart sans la petite lampe qui brille dans tes yeux après l'obscur envahissement du doute, sans ce déchirant et désespérant appel Schopenhauerien… rien… rien… mais tout, hein ? C'est un long sommeil qui t'attend mais je suis sûr que tu pourras me suivre tout à fait lucide, sans compter sur le moindre artifice qui déchire les corps-sangsues appelés à ce que nous saurons plus tard, le cul bien assis, oh tu sais j'ai un paquet de répliques tachées de sang dans le fond de ma gorge et ça crie ça fait comme dans une cathédrale mais alors sans Dieu, sans prières religieuses, sans manque, sans Dimanche, sans péchés avoués. Je voudrais bien commencer à mettre en marche le moteur de ma caméra à nouveau, j'attends j'attends des heures Ulyssiennes (pas moins de dix ans) dans le hall de ce laboratoire où on découche mes dix premières minutes en noir et blanc et je lutte pour ne pas me laisser prendre par le moindre sommeil rangé. J'avais tout pris pour aimer le cinéma à l'âge où l'enfance s'en donne à cœur joie avant de grandir et qu'on cherche à me pervertir d'ambitions titanesques. J'attends j'attends encore. On m'appelle. Le film est prêt. J'ouvre mes yeux. Spectacle !



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