Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     



 

 

 

 

 
  The Watcher (c) D.R.

Jeanne, ignorante de l’objet qu’elle contemple, ne le contemple justement pas : elle le scrute, le bouscule, le retourne, le secoue, bref le met en péril. Elle le confronte à la vie, sa vie. Cherche des résonances, repère les failles. Et réussit le tour de force de nous emmener dans sa forêt de Sherwood. Son désir de cinéma est aussi et surtout une quête du sens, de l’émotion, de l’Homme. Contrairement à Kaganski qui fouille des décors ("sa maison en pin face à la mer"), des situations ("cette radioscopie du trio femme/mari/amant"), des personnages ("vieux sage démiurgique"), des techniques ("la mise en scène fait dans le bon goût confortable, beaux décors, lumières mordorées, gros plans…"), tous autant figés les uns que les autres dans une "vision bergmanienne", un "savoir-faire" spécifique à "ce cinéma-là"(?). Un cinéma qui ne palpite plus guère chez lui.

Et si finalement, par ce même principe de fraîcheur et de spontanéité d’une critique non professionnelle, on tenait la solution pour une pratique libre de la critique de cinéma à la télévision ? Pour s’en convaincre, on peut regarder l’émission On A Tout Essayé ! (un mardi sur deux, france2), où Laurent Ruquier et ses chroniqueurs testent l’actualité et notamment la grosse sortie cinéma du moment (Les Rivières Pourpres, The Watcher, Charlie et ses Drôles de Dames…). On y entend les réactions les plus triviales jusqu’aux plus viscérales (concernant l’incompréhensible fin de Les Rivières Pourpres, ou la mine bouffie de Keanu Reeves) collant à l’esprit de dérision de l’émission. Mais surtout, on y voit un film pris à bras le corps par un aréopage qui ne prétend à aucun statut et s’arroge le droit (le devoir ?), comme d’un simple geste du pouce, d’encenser (encore pas vu) ou de démolir (souvent le cas) un film. Bien sûr, si c’était tout ce serait ludique mais vite lassant. Tout l’intérêt de l’exercice se mesure en filigrane et dans la parole de chacun des chroniqueurs. Bien souvent (quand le film n’a pas plu, en particulier), c’est l’occasion de parler d’autre chose, d’un autre film : d’une envie de cinéma. Ça tranche dans le vif de ces émissions qui se prennent au sérieux pour nous rouler dans la farine (animale) et nous vendre leur cinoche. Ici, l’humour est la seule règle. C’est absolument drôle, définitivement subversif.

Les Rivières pourpres (c) D.R.

Ici, il y a un regard derrière le sourire (non feint). On est loin du sourire terrifiant de Christine, dans Tous Ego/Egaux. Et du cynisme de certaines situations : il est plus heureux d’être une dinde aux Etats-Unis, qui peut être graciée de la peine de mort le jour de Thanksgiving. Peut-être sera-ce l’occasion pour George W. Bush d’accorder sa grâce, un jour…

Par contre, il n’est pas très heureux d’être athlète et handicapé (certes), à en croire (et on veut bien) leur représentant venu passer un coup de gueule sur le plateau de Marc-Olivier Fogiel, On Ne Peut Pas Plaire A Tout Le Monde. Pour résumer, il se plaint de la faible médiatisation qui fut accordée aux Jeux Paralympiques de Sydney, juste après les J.O. Par principe et bonne conscience (politiquement correcte), je devrais adhérer à ce type de combat, sauf que je m’en fous et ce pour deux raisons : 1/ un désintérêt total pour le sport, avec ou sans prothèse ; 2/ une indifférence muée en méfiance vis à vis d’un discours du dépassement de soi et de la beauté de la performance, quand les seules fois où j’ai entendu parler de ces Jeux, c’était pour des affaires de dopage…

Peu importe. Là où l’émission bascule et renvoie notre athlète hémiplégique à la vacuité de sa démarche, c’est lorsque M.O.Fogiel demande à Philippe Candeloro, présent sur le plateau, ce qu’il pense de cette injustice. Or, le patineur, trahi par son naturel (sa candeur ?) et son regard vide, comme moi, s’en fout clairement à cet instant précis (et sans plus généralement). Acculé par la décence et la bonne conscience, il répond compatissant et démagogique : "ces athlètes ont vraiment du courage ". Platitude condescendante qui déclenche l’ire de l’autre athlète qui ne se considère pas plus courageux qu’un sportif valide. Peu fier de son intervention, Candeloro tente de se montrer que la cause " des athlètes paralysés ", comme il dit, le touche vraiment. Et d’ajouter l’énormité qui décime tout : " Je regrette seulement un truc, c’est qu’il y en ait pas dans le patinage. " Silence. Interloqués et à leur tour compatissants, ils lui tendent la perche qui peut lui éviter de s’écraser honteusement comme un vieux flan, et en choeur : " De quoi ? " Mais en vain : " ben, des athlètes paralysés ! " C’est vrai. Ça manque, les triples saltos en fauteuil roulant, et puis il ira lui-même chausser les patins sur les fauteuils.

Le cinéma est aussi dans la tête de Candeloro.

Ouvrez l’oeil ! Gardez le sourire !



Acheter ce livre ou DVD sur le site : Fnac
Acheter ce livre ou DVD sur le site : PriceMinister
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Amazon
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Librairie Lis-Voir