" Sur l’écran
noir de mes nuits blanches, moi je me fais mon cinéma "
Claude Nougaro.
Qui se soucie d’Emmanuelle
Gaume, Gérard Miller, Frédéric Lopez,
Jean-Jacques Beineix et Bernard Pivot ?
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Certains se préoccupent peu
d’écran noir et de nuits blanches. On le vérifie
chaque jour quasiment. Encore récemment avec la soirée
" Tous Paranos " de canal+. Et l’on découvre
que des gens sont persuadés d’être personnellement
épiés par les caméras de surveillance
qui fleurissent l’espace urbain. On nous explique alors que
la paranoïa s’explique par une hypertrophie du moi, la
personne en question est de toute évidence le centre
de convergence de tous les regards, le centre d’intérêt
principal du reste du monde. C’est, par exemple, Bernard Montiel
réalisant 40% de parts de marché en prime-time
avec " Vidéo Gag " persuadé
d’attirer lui, grâce à sa personne, 40% des téléspectateurs,
alors que la même émission sans plateau donc
sans animateur aurait sans doute la même audience.
C’est encore Emmanuelle Gaume qui, dans " Ca se
discute " sur le thème les femmes ont-elles
conquis le petit écran ?, déclare qu’après
avoir animé les matinales de France-Musique et assuré
les chroniques musique classique du " Cercle de
Minuit " avait voulu passer à quelque chose
de radicalement différent (à savoir les matinales
de m6 puis " Exclusif " sur tf1) pour
ne pas avoir l’étiquette d’intellectuelle de service.
Qu’elle se rassure. D’autant que la même dans la même
émission explique comment elle vit sereinement son
éviction de la co-présentation de " Nulle
Part Ailleurs " puisque en fait de mise à
l’écart il s’est agi d’un départ volontaire
après discussions de l’équipe avec Alain de
Greff (alors directeur des programmes de la chaîne).
Soit ! Là où la cervelle de Gaume n’est
pas à la hauteur de ses illusions intellectuelles refoulées
c’est quand quelques jours plus tard , interrogée dans
l’émission de Marc-Olivier Fogiel " Vous
écoutez la télé " (France-Inter)
sur le même sujet, elle répond que ce fut (son
" départ volontaire ") très
déstabilisant et sans doute aussi douloureux que pour
Alain de Greff lorsqu’il a appris son propre départ
de la direction des programmes [rires de l’intéressé]...
La grenouille qui voulait se faire aussi grosse qu’un boeuf
(pourtant peu en odeur de sainteté par les temps qui
courent).
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Bien sûr, ce type d’exercice
qui consiste à titiller l’autre dans les retranchements
de sa bêtise, de ses contradictions ou simplement
des limites de son discours trouve un certain accomplissement
(jouissance ?) face à l’intellectuel qui se
fourvoie. Vous saisissez la perfidie ? C’est pourquoi
je laisse s’envoler la perspective d’un plaisir immense
en ne m’étendant pas sur le coup de gueule raté
(bien que généreusement arrosé) de
Gérard Miller à l’encontre de Jean Montaldo
dans l’émission de Laurent Ruquier " On
a tout essayé ". laissons cela puisque
la chose vraiment intéressante est l’hypertrophie
du moi de notre cher média-psy. A tel point que c’est
lui qui va finir par nous rendre paranos. Radio, télé,
presse... il est partout. Même quand il fait une émission
dans le noir, on le voit encore.
" Le Goût du Noir ", voilà
l’invitation (à déjeuner) de Miller. Emission
au concept fort prometteur : discuter dans le noir
pour discuter autrement, elle est le cadre idéal
à l’épanouissement d’un ego déjà
bien (sur)dimensionné. Sur le principe aisément
acquis d’une égalité évidente induite
par l’obscurité totale à laquelle sont soumis
les uns et les autres (présentateurs et invités),
Miller regonfle son hypertrophie : il est le seul à
être d’emblée connu de tous et le noir
n’y change rien. A ceci près qu’il favorise l’obscurantisme :
que chaque invité ne sache pas qui est son interlocuteur
est tout à fait cohérent et apporte une vraie
dimension à la rencontre mais que cela pousse les
uns et les autres à se retrancher dans un jeu de
dissimulations et devinettes pour ne pas se révéler
tire souvent l’émission vers le bas comme si c’était
là l’essentiel. alors que l’essentiel a été
posé dès la première par Alex Métayer :
dire des choses intelligentes en mangeant correctement,
sans baver sur la nappe. La gageure est de taille au vu
des résultats : pour la première émission
(Vincent Cassel - Alex Métayer), pas d’incident de
table majeur ni éclairs d’intelligence et pour la
deuxième (Clothilde Courau - Pascal Bruckner), une
bouteille de vin renversée et un débat très
vif et de très bonne tenue.