Parmi tous les lieux communs de la
bande-annonce, il est un motif, presque une institution, qui
me fascine au plus haut point, à savoir le speaker des
bandes-annonces américaines. La fascination tient au
fait qu’il semble être la seule et unique voix de toutes
les bandes-annonces made in Hollywood. Cette voix grave aux
modulations basses a pénétré, à
coup sûr, l’inconscient collectif. Ce, depuis des lustres.
Je la connais, nous la connaissons d’avant même le souvenir
que nous en avons : de mémoire d’embryon. C’est
la voix de l’Amérique, c’est l’Amérique.
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J’ai pensé à
cette voix devant la bande-annonce Les Rivières
Pourpres de Mathieu Kassovitz. En fait, elle m’a manqué.
Sauf qu’il n’y a pas de speaker, pas de commentaire, pas d’ajout
sur la bande-annonce de Les Rivières Pourpres
de Mathieu Kassovitz.
Seulement des images. Beaucoup
d’images. Là. Et puis plus là. Elles apparaissent
– disparaissent. Derrière un fondu au noir. Des flashes.
A peine le temps de l’impression. A peine. La persistance
rétinienne. Non. Des impressions, oui. Une image, une
situation, une action. Fondu. Interrogation. Un nom. Rouge,
l’image fendue. Lacérée. Une association. Une
idée. A peine le temps de la tension. Juste titillé,
peut-être ? L’attention. Estampillé, pour
sûr comme le titre à la fin Les Rivières
Pourpres.
Construite sur un suspense
intolérable soutenu par un montage, non un découpage
ne laissant pas le temps de voir, d’entendre, de comprendre
jusqu’à " l’apparition " de Mathieu
Kassovitz et enfin du titre et son estampille, la bande annonce
de " Les Rivières Pourpres " de
Mathieu Kassovitz noie le poisson nommé désir
qu’elle est censée appâter.
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Si le teasing fonctionne
à peu près jusqu’à ce que le nom de Vincent
Cassel fende l’écran, l’effet vire à peu près
à l’eau de boudin à ce moment-là. Le
rapprochement Cassel-Kassovitz, effectué illico par
un esprit aussi fulgurant que la rémanence des images
alors à peine entr’aperçues, plonge le spectateur
que je suis dans une perplexité qui n’a d’égale
que sa circonspection : la bande-annonce sus nommée
n’apparaît plus dès lors que comme un vaste projet
nombriliste ne faisant que répondre à un horizon
d’attente établi depuis La Haine et Assassin(s),
certainement à l’œuvre pour créer une connivence
avec le spectateur mais qui ne fait que créer chez
moi une impression de déjà-vu que la présence
(nouvelle dans l’univers du cinéaste) de Jean Reno
ne réussit pas à estomper. Nulle part ne flotte
le goût de la nouveauté, ni jamais n’éclabousse
celui de l’inventivité à la vision de la bande-annonce
de Les Rivières Pourpres de Mathieu Kassovitz.
Cependant que déborde la modestie d’un cinéaste
qui a su rester simple dans ses choix, ses partis pris jusqu’à
ceux de s’autociter, ne considérant le monde et ses
alentours qu’à travers le prisme de ses propres films.
En fait de rivière,
je n’ai vu qu’une rigole sans retour, encore que… ce serait
sans compter sur les vertus réfléchissantes
de l’eau des rivières (n’est-ce pas Narcisse…). Non
seulement, il s’y mire et s’y admire mais nous en éclabousse
à satiété en nous gratifiant de Les
Rivières Pourpres de Mathieu Kassovitz la-bande-annonce-2-le-retour.
On m’expliquera l’intérêt de sortir deux versions
d’une bande annonce…
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