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Promis j’y reviendrai ! Sur Bouche à Oreilles, j’entends. Cette façon un peu maligne de faire passer ses réserves avec un sourire démesuré, j’adoooore. Et puis, ce petit coup d’œil complice, vous voyez ce que je veux dire qui annonce bien souvent une légère moue… aah, la félicité m’envahit lorsque survient la moue. C’est certainement un numéro unique au monde, celui de la banane-moue : elle réussit l’exceptionnelle performance de faire la moue en n’abandonnant pas son sourire. Magistral ! Celle qui a clairement été élevée au giordano, me ferait presque regretter mon benco.

  The Virgin Suicides (c) D.R.

J’ai découvert ce tour de passe-passe dans Bouche à Oreilles, la chronique cinéma de France2, le vendredi soir avant Pivot. Bouche à Oreilles donc, ou comment élever la critique à un niveau quasi inédit à la télévision. Exemple : "seule petite réserve (on notera la radicalité des propos petite réserve) pour la fin du film (Les Rivières Pourpres de Mathieu Kassovitz) qui vous tombe dessus, laissant le spectateur médusé face au générique. " J’exulte littéralement lorsque la présentatrice m’assure que je ferai " partie des invités " en voyant La Noce de Pavel Lounguine. Oui, mais non. Merci. Ce que j’en vois dans la bande annonce me suffit amplement. Un regard sentimentalo-complaisant-pas-très-élégant sur une beauferie slave (autant dire exotique) à la limite de la vulgarité. Je vois mal comment le film de Lounguine peut éviter de faire basculer dans le trivial, le sordide ou le lourdaud un moment que l’on espère tous splendide. La Noce, la nausée.


Mais revenons à nos moutons. A d’autres sourires. Les sourires francs, parfois fuyants ou effacés des jeunes gens de Virgin Suicides. La bande-annonce est une infiltration. Elle pénètre, envoûte. J’étais Ulysse hypnotisé par le chant des sirènes.

Il y a ce climat assez trouble, souvent. Et puis très ordinaire, si ce n’est les filtres. Et léger, une évanescence. Partielle seulement ; oui, c’est un venin. Mais j’étais prévenu :  Virgin Suicides. Vierges. Suicides. Il y a un mystère, une opacité presque une douleur dans ce rapprochement.

Il y a ces jeunes gens, visiblement comme des jeunes gens. Et puis, il y a James Woods et Kathlyn Turner. Non. Il y a écrit James Woods, Kathlyn Turner et visiblement c’est quelqu’un d’autre. Ouh, ce qu’ils ont l’air vénéneux… Il y a du doute, de l’incompréhension presque un secret entre ces gens.

Il y a les mots. Il y a le docteur qui n’a évidemment jamais été une jeune fille de treize ans. Les maux. Il y a la première à partir. La (les) suivante(s) ? Et puis il y a la voix-off, pas celle de l’Amérique. Non, une autre plus ordinaire, plus belle. Plus impliquée. Plus vénéneuse ; elle nous empoisonne de questions. Comment Vierges. Pourquoi Suicides. Les mots, l’envie, l’évaporation.

Enfin une bande-annonce au haut pouvoir absorbant.

Hollow Man (c) D.R.

Et si je vais au casse-pipe, j’irai vierge de préjugés. Ce n’est pas forcément le cas avec Verhoeven. Et c’est l’épaisseur et la lourdeur de son cinéma qui me fera encore hésiter à aller voir Hollow Man, quand la bande-annonce, plutôt habile, réussit à m’émoustiller. Toute l’habileté tient au bon équilibre entre les commentaires off et les images montrées. Les commentaires, du fait même d’être servis par la voix de l’Amérique, font surgir cet homme invisible d’exactement là où il vient : le mythe, le fantasme.

Les images, quant à elles, si l’on fait fi de l’esbroufe quel film extraordinaire des effets spéciaux, font surgir un homme invisible pas moins homme. Intéressant. Alors que pour moi l’homme invisible c’est essentiellement David McCallum, au tournant des années 70/80, un agent secret (ô combien, puisqu'invisible) à qui l’on avait greffé la face de Dave (le chanteur). Un homme juste et bon, et tellement moral. Et tellement chiant.

Un seul plan ouvre à lui seul un abîme de possibilités : on y voit (pas, pour cause) notre homme invisible mater une femme endormie. Ouh, le vilain ! C’est là que le mythe dérape et rattrape nos fantasmes d’invisibilité : qui saurait quoi faire d’un tel don, à part épier, espionner, se faufiler… en un mot mentir. La tentation est trop grande. Du coup, la tentation du film frémit en moi à l’idée d’échanger un brave et lisse Dave McCallum contre un Kevin Bacon visiblement antipathique… ou sympathiquement inquiétant.