Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     



 

 

 

 

 
  Hollow Man (c) D.R.
Néanmoins, il y a cet irrésistible besoin d’en mettre plein la vue qui fait vaciller le désir grandissant du côté du doute et rappelle que Verhoeven, qui, à trop vouloir laisser la finesse à d’autres en titillant de préférence les instincts (basiques) que le cortex du spectateur, tend quand même à passer systématiquement à côté de son sujet (sans le voir !). Entre sa désincarnation et sa réincarnation, son homme invisible se montre tel qu’il est le temps d’un plan furtif qui, en fait, pose la question essentielle, et la seule susceptible de me pousser à aller voir le film pour y découvrir sa réponse : invisible, pour quoi faire ?

Quand trop souvent on se dit : visible, pour quoi faire ? C‘est le cas de " Memento " de Christopher Nolan, dont la bande-annonce n’annonce rien tant elle est opaque et hermétique. Malgré l’annonce faite au spectateur que je suis du pitch du film en guise d’introduction à ladite bande, celle-ci s’avère aussi prenante qu’un samedi soir avec Monsieur Foucault et ses millions, en plus laborieux. J’en suis marri. Elle repose, assez mollement disons-le malgré un découpage frénétique, sur deux motifs récurrents (obsédants ?) : l’homme-pense-bête criblé d’antisèches tatouées sur la peau, et une scène de meurtre à l’envers et au ralenti qui fait sans cesse craindre que la bande-annonce ne passe en boucle. Tout cela est censé illustrer les déboires liés à un syndrome affectant la mémoire des alcooliques.

Memento (c) D.R.

Ne nous y trompons pas, c’est le même syndrome et la même fièvre qui touchent soudainement, avant de disparaître aussi soudainement, le candidat du samedi soir atteint de millionnite aiguë. La mémoire flanche. C’est la question à 2000000. Il hésite entre la réponse A. Entre temps l’ordinateur a fait valser la réponse B qui faisait dangereusement monter la fièvre ; et son frère appelé en renfort a opté, sans conviction certes, pour la A. Dilemme. Pour 2000000, il oublie qu’il n’y a plus à hésiter et préfère gagner 1000000, quitte à perdre 1000000. Par deux fois Foucault lui assène des coups de perche pour lui rafraîchir la mémoire : " vous ne pouvez pas vous arrêter… vous êtes joueur, vous nous l’avez prouvé… " ; " réfléchissez… vous savez par expérience, souvent la première idée est la bonne… et votre frère aussi pense comme vous… ". Sans plus d’hésitation, il arrête là. A une vitesse exceptionnellement lente – on ne sait plus si c’est encore une perche ou une parodie cynique et sinistre – Foucault égrène la question fatidique : " c’est… votre… ", " c’est mon dernier mot, Jean-Pierre ! ", c’est la fin, le candidat pris de délire ne sait même plus qu’il ne peut répondre à une question qu’une fois qu’elle a été posée. Tancé par l’animateur qui lui redit la règle à respecter et termine alors de poser sa question, le candidat réitère sa réponse sous les applaudissements du public et reçoit le coup de grâce, en l’espèce la vérification de la réponse à 2000000. Je ne sais si c’est l’alcool ou quoi encore, n’empêche que le delirium se propage : j’entends Jean-Pierre Foucault s’adresser à un ordinateur et le vouvoyer : " ordinateur, voulez-vous je vous prie nous dire si la réponse A qu’aurait choisi X, est la bonne réponse et lui aurait permis de gagner 2000000 ? ". L’ordinateur s’exécute. Il s’agit de la réponse A. Il empoche 1000000 et passe à côté de 2000000.

Memento empoche une idée inédite et passe visiblement à côté d’un film visible.

Le suspense et la tension ne semblent pouvoir fonctionner qu’un temps limité au-delà duquel la mécanique ne peut plus affecter le (télé)spectateur. Dans le cas de " Memento ", ce temps n’excède pas celui de la bande-annonce, tant elle oublie de se rappeler que le spectateur est susceptible de rester plus longtemps (le temps du film, par exemple). Mais l’épate (d’un côté l’originalité forcenée du scénario et de l’autre les sommes astronomiques promises) est un concept fort et je suis prêt à parier que Qui Veut Gagner Des Millions ? va faire un carton.

  Esther Khan (c) D.R.

L’épate, oui mais… La bande-annonce radio d’Esther Khan d’Arnaud Desplechin, composée de parties dialoguées du film, fait la part belle aux beaux discours… sombrant dans le prêchi-prêcha, et rate par là même sa vocation attractive et séductrice. Nonobstant une entrée en matière suffisamment intrigante pour m’allécher " l’art du comédien est le mensonge ", la bande-annonce s’embourbe dans une épatante leçon sur le théâtre et la raison d’être du comédien reléguant le film au grenier de mon imaginaire cinématographique sous une couche de poussière qui semble s’être déposée là depuis des décennies. Si bien que lorsque la voix du speaker annonce Esther Khan, le nouveau film d’Arnaud Desplechin, actuellement sur vos écrans ", Esther résonne comme " austère ". Dommage. D’autant qu’une petite voix me dit tout autre chose… peut-être la voix de l’âme, pour rester dans le sentencieux.



Acheter ce livre ou DVD sur le site : Fnac
Acheter ce livre ou DVD sur le site : PriceMinister
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Amazon
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Librairie Lis-Voir