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L'Homme sans passé (c) D.R. ACADEMIQUE, ACADEMIQUE…
Vous avez dit académique ?!
Par Sandrine COROUGE


Sortie il y a quelques semaines, de L’Homme sans passé… Et l’occasion pour moi, de revenir sur la palme d’or du festival de Cannes 2002. Pensez donc, au bouillonnant et burlesque Kaurismaki, ou férocement lunaire Suleiman, sera préféré un Polanski " rentré dans les rangs ". On se souvient en effet, du fleuron des critiques, " palme académique, consensuelle ". On n’en dira guère plus, à peine parfois - quelques lignes, portant un léger bémol sur ces hâtifs commentaires. Et d’ailleurs à l’heure de sa sortie en salle, nombreux sont ceux qui réviseront leur première copie… Effets dans l’après-coup ?

  Le Pianiste (c) D.R.

Ses plus fidèles détracteurs soutiendront certes jusqu’au bout, leur position; tel un certain Alain Riou (le cycliste du sempiternel et pas moins réjouissant " Masque et la Plume ") qui à bout d’argument, se targuait de cette " révélation " choc : " il n’y a même pas de musique dans ce film… ", criant presque " à l’arnaque "  et, pour peu " au remboursement " !

" Oyé, oyé, Sir Riou ", tel n’est pas le propos… Il faut suivre un peu, et pas seulement les voitures en moulinant sur les pédales de son vélo. Szpilman refusera, aux premières heures de la ghettoïsation, de jouer pour les nazis. Ce qui très rapidement, lui vaudra de la mettre en veilleuse et, au film, l’une de ses plus belles scènes; quand cloîtré dans une chambre, ses mains arrondies au-dessus d’un clavier, des notes éclateront avec une brutalité contenue pour atteindre un profond déchirement.


Donc, " académique "…

Fanny et Alexandre (c) D.R.

Je me suis souvenu d’un article de Thierry Jousse quand, à Cannes déjà, le retour de films en costumes, avec en tête de file Les Destinées Sentimentales d’Olivier Assayas, Esther Kahn de Desplechin…- cuvée Cannes 2000 - avait soulevé son tollé de critiques. Jousse nous mettait alors, en garde contre l’amalgame facile et réducteur " costumes / académisme ", démontrant avec force et brio cette maxime : " l’habit ne fait pas le moine ". De fait, " l’histoire est pleine de films d’époque en costumes qu’il ne viendrait à l’esprit de personne de taxer d’académiques. Oserait-on dire que Le Guepard (Visconti), Deux anglaises (Truffaut), Fanny et Alexandre (Bergman) (…) ressemblent de près ou de loin à des œuvres académiques ? ".

Mais reprenons depuis le début et revenons, comme nous y enjoint Thierry Jousse, à un peu de sémantique : " Au fond, qu’est-ce que l’académisme ? Littéralement, il s’agit de ce moment mortifère où une forme répète ses propres figures, ses propres règles dans une logique sclérosée, où une rhétorique continue à fonctionner, vidée de sa substance, de la vie qui l’animait ". Estampiller le dernier film de l’auteur de Rosemary’s Baby, du Locataire, de " consensuel ", " d’académique " s’avère donc, tout aussi absurde, et erroné que de faire croire, à l’académisation croissante de Truffaut ou de Chabrol dès la fin des années 60, "alors qu’ils tentaient simplement et souvent courageusement de faire évoluer leur style soit vers une plus grande épuration, soit vers d’autres genres… ". D’aucuns diraient que l’histoire se répète.