Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     



 

 

 

 

 
  Le Locataire (c) D.R.

Certains pourtant, à l’heure de sa sortie en salle (il n’est jamais trop tard…), ne s’y sont pas trompés. Ainsi, Hélène Frappat des Cahiers du Cinéma, remarquait dans le numéro de septembre (1), " Dès l’instant où le récit familial et la description d’une communauté cèdent brutalement la place au déroulement monotone, monocorde d’une captivité mutique, Le Pianiste bascule dans Le Locataire ". Dans ces deux films en effet, peu d’évènements mais l’émergence d’une folie singulière, d’un regard, d’une subjectivité. Films considérés comme autant d’exorcismes et, non sans toucher à nos peurs les plus primaires ; de celles dont a su si bien faire son lit, la subliminale et antique série La 4ème dimension. Que l’on songe à cette scène, où Szpilman, seul rescapé, titube au milieu du ghetto fantôme : à cet instant précis, sur quoi pleure t-il ? Sur l’effroyable destin des siens ou sur le sien propre ? Prêt qu’il est déjà, malgré tout, à sauver sa peau et de la façon la moins héroïque qu’y soit… Dès lors, adieux hauts sentiments, le voilà qui erre, rase les murs, se terre, planqué derrière une fenêtre, se contentant de regarder le combat des siens, ne voulant plus rien en savoir… Pas de héros, nulle identification possible.

Polanski ne nous laisse plus rien à quoi nous raccrocher, en prise avec rien. D’où notre trépignement, ce malaise diffus et croissant devant l’attente résignée - la " lâcheté " ( ?!) de Szpilman; presque soulagés que nous sommes d’entendre le bruit de chars… Qu’il se passe enfin, quelque chose ! Exit donc, " le folklore " et quoiqu’en disent certains, les " scènes à faire ". Le Pianiste creuse le sillon de la vacuité, de l’absence, du rien.

La Liste de Schindler (c) D.R.

C’est en ce point même, ce trou autour duquel tourne Le pianiste, que réside l’insupportable. Polanski atteignant par-là, un dérangement qui vaut dans un genre nouveau, celui de ses précédents films et, en quoi il se distingue de La Liste de Schindler (Spielberg), La vie est belle (Benigni) et autres films sur le sujet. Ici en effet, nul artifice, nulle reconstitution, Polanski s’en tient à son personnage, ne le lâche pas. En place d’une interprétation, contre toute explication, là où d’autres ont collé des images, Polanski laisse un trou ; trou dans le temps qui restera sans réponse. Par exemple, lorsque son frère et sa jeune sœur seront séparés du reste de la famille, on imagine alors le pire, les secondes s’égrènent, on n’espère plus… Et, les voilà qui ré apparaissent, on ne sait d’où – " Pourquoi ? " interroge Szpilman-. Comme on ne saura ce qu’il adviendra d’eux, après leur embarcation dans ces convois dont nul ne pouvait prédire la destination; on parlait alors, d’ " extermination ". La réalité/vérité sera encore toute autre...

Polanski s’en tient à un regard - un regard extérieur -, évitant cet écueil : donner forme à ce qui est au-delà de toutes images, de ce qui a été voulu, précise Wacjman dans son article " L’art, la psychanalyse et le siècle ", sans images (…) p35 : la grande industrie nazie n’a pas produit des charniers, mais des cendres, rien de visible. Elle fabriquait de l’absence. Irreprésentable ". La question étant alors : " comment montrer ce qui excède toute image (…) comment faire œuvre sans transposition, ni oubli ? "

  Roman Polanski (c) D.R.

Polanski y répond de cette place du " s’il n’en reste qu’un qui témoigne ". On retiendra à cet égard, une des dernières scènes du film (pour moi, la dernière) dans laquelle, Szpilman et un ami cherchent en vain, les traces d’un ancien camp : " J’étais pourtant sur que c’était par ici…" dira l’ami; au lieu dit, une prairie verte s’étendant à perte de vue. Plus rien…

Dès lors, taxer Le Pianiste d’académique, n’est ce de l’ordre de la " défense " -dixit Freud?….A chacun d’y aller de ses interprétations !

Ou …Dès lors, taxer Le Pianiste d’académique, ne relève t-il pas de " mécanismes défensifs " - dixit Freud - ?… A chacun d’y aller de ses interprétations !



Acheter ce livre ou DVD sur le site : Fnac
Acheter ce livre ou DVD sur le site : PriceMinister
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Amazon
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Librairie Lis-Voir




Sources

1) Cahiers du cinéma n°571
2) Cahiers du cinéma n°548
3) Cf Lacan, l’écrit, l’image