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  LE NERF CINEPHILE
Chapitre I Episode 1
Par Zack DALO
Illustrations de Jonathan CARRIERE


Il s’agit de former, et non d’étouffer,
ce qui est don de nature. "

Confucius



Chouette !… Une vie de merde !… C’est chouette une vie de merde ! Vous ne saviez pas ? non ? Les quatre murs de la pièce où je suis enfermé depuis maintenant plus de cinq heures, cinq atroces heures insignifiantes, méprisables à souhait, semblent assez en vouloir à mon imagination ! Ils m’insultent ! Ils me crachent à la figure ! Et ils visent admirablement bien ! C’est bien sur la figure… et la crasse qui se forme m’envahit ! Et je rougis… tellement je me sens sale ! Et du rouge… du noir, un peu ce type, Stendhal, bizarre, quoi !… J’ai plus qu’à me nourrir de pages et de mots… et oublier !

  (c) Jonathan Carriere

L’air devient tellement irrespirable que je préfère m’étrangler avec sa salive ! Partir pour ne plus vivre ça !… mais où ? Partout, c’est du réel !…

C’est qu’on croit tout le temps vivre quelque chose de tragique dans la vie ! Dès qu’on rate une marche ! Qu’on a oublié d’acheter le pain et qu’on rentre bredouille, et qu’alors, on se la prend la baffe ! Pouvez me faire confiance ! C’est comme une tragédie, ça ! Comme quand on crie " salut, vieux cochon ! " à son professeur au lieu du reluisant " au revoir et portez-vous bien Maaaître… ". Parce qu’à un moment, l’Authentique prime sur l’Hypocrite ! L’Opium luisant, calme et solitaire, dormant au fond d’un corps malade accroche l’Autoritarisme légitime, la Loi cubique de Jules Ferry ! Du tragique, je vous dis, tout ça !…

En fait, ce n’est rien à côté de la tristesse qui me creuse la plante des pieds, au pied de mon lit, là, à cet instant précis. Vous voyez ? Quel Mal ! Mal, j’ai tellement mal ! Faut que je vous raconte ! Même si je parle à n’importe qui ! Faut que je raconte ! En plus, c’est sur le vif, et on raconte toujours mieux quand le mal ne nous a pas encore lâché les chevilles ! Qu’on en connaît des souffrances réelles ! Quand le mal s’est bien installé !

Ma famille ? Oui… elle est derrière cette porte ! La porte de ma chambre ! Faut dire que je m’emmerde ici, alors, je rêve, je flâne ; je me tourne les pouces, continuellement, et ça use… C’est pas bien, je sais ! Je sais que c’est pas bien ! Pas convenable ! C’est qu’ils ne font pas pitié les vieux qui me nourrissent ! Ma mère ? Elle m’a pondu, d’accord ! Bien de personnes sans problèmes apparents, ni en surface, ni ailleurs, se permettraient de juger sévèrement cette pensée : " Vous lui devez le respect ! D’être là jusqu’à la fin de sa vie ! De perdre la vôtre au profit de la sienne ! " D’accord, elle m’a pondu ! Et puis après ? Je ne lui ai pas répondu ! Et puis après ? Je n’ai pas à subir sa face de rongeuse, chercheuse d’alcools rares et dévastateurs ! Parce que c’est ça ma vie de merde ! Je suis entouré par une famille qui bouffe du réel à tout va ! Dès que la seconde s’insignifie ! Ça signifie ? Lorsque la seconde les rend inertes, à sa merci, qu’elle les atomise !