Chouette !… Une vie
de merde !… C’est chouette une vie de merde !
Vous ne saviez pas ? non ? Les quatre murs de la
pièce où je suis enfermé depuis maintenant
plus de cinq heures, cinq atroces heures insignifiantes, méprisables
à souhait, semblent assez en vouloir à mon imagination !
Ils m’insultent ! Ils me crachent à la figure !
Et ils visent admirablement bien ! C’est bien sur la
figure… et la crasse qui se forme m’envahit ! Et je rougis…
tellement je me sens sale ! Et du rouge… du noir, un
peu ce type, Stendhal, bizarre, quoi !… J’ai plus qu’à
me nourrir de pages et de mots… et oublier !
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L’air devient tellement
irrespirable que je préfère m’étrangler
avec sa salive ! Partir pour ne plus vivre ça !…
mais où ? Partout, c’est du réel !…
C’est qu’on croit tout le temps vivre quelque chose de tragique
dans la vie ! Dès qu’on rate une marche !
Qu’on a oublié d’acheter le pain et qu’on rentre bredouille,
et qu’alors, on se la prend la baffe ! Pouvez me faire
confiance ! C’est comme une tragédie, ça !
Comme quand on crie " salut, vieux cochon ! "
à son professeur au lieu du reluisant " au
revoir et portez-vous bien Maaaître… ". Parce
qu’à un moment, l’Authentique prime sur l’Hypocrite !
L’Opium luisant, calme et solitaire, dormant au fond d’un
corps malade accroche l’Autoritarisme légitime, la
Loi cubique de Jules Ferry ! Du tragique, je vous dis,
tout ça !…
En fait, ce n’est rien à
côté de la tristesse qui me creuse la plante
des pieds, au pied de mon lit, là, à cet instant
précis. Vous voyez ? Quel Mal ! Mal, j’ai
tellement mal ! Faut que je vous raconte ! Même
si je parle à n’importe qui ! Faut que je raconte !
En plus, c’est sur le vif, et on raconte toujours mieux quand
le mal ne nous a pas encore lâché les chevilles
! Qu’on en connaît des souffrances réelles !
Quand le mal s’est bien installé !
Ma famille ? Oui…
elle est derrière cette porte ! La porte de ma
chambre ! Faut dire que je m’emmerde ici, alors, je rêve,
je flâne ; je me tourne les pouces, continuellement,
et ça use… C’est pas bien, je sais ! Je sais que
c’est pas bien ! Pas convenable ! C’est qu’ils ne
font pas pitié les vieux qui me nourrissent !
Ma mère ? Elle m’a pondu, d’accord ! Bien
de personnes sans problèmes apparents, ni en surface,
ni ailleurs, se permettraient de juger sévèrement
cette pensée : " Vous lui devez le respect !
D’être là jusqu’à la fin de sa vie !
De perdre la vôtre au profit de la sienne ! "
D’accord, elle m’a pondu ! Et puis après ?
Je ne lui ai pas répondu ! Et puis après ?
Je n’ai pas à subir sa face de rongeuse, chercheuse
d’alcools rares et dévastateurs ! Parce que c’est
ça ma vie de merde ! Je suis entouré par
une famille qui bouffe du réel à tout
va ! Dès que la seconde s’insignifie !
Ça signifie ? Lorsque la seconde les rend inertes,
à sa merci, qu’elle les atomise !
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