Enfin, quatrième hypothèse,
l’hélicoptère, en décollant et atterrissant
sous nos yeux ébahis, avec, pour preuve, les déboires
capillaires et imprévus essuyés par Flavie Flament,
attesterait l’envergure européenne du projet. Il va de
soi que nos onze sympathiques amis ne pouvaient pas rallier
Nice en transports communs, qui à pas de course
(Katrin, l’Allemande), qui à planche à roulettes
(Michaël, le Belge), qui à la nage (Katrin, encore
elle), qui en voiture de sport (Raimondo), etc, dans la soirée.
Non. Et puis, une arrivée en simple voiture de luxe,
limousine ou pas, eut fait trop banalement franco-français.
Non, trois fois non. Pour parcourir les quatre coins de l’Europe,
France comprise, et en ramener douze spécimens dans le
temps compté de l’émission, l’hélicoptère
apparaît évidemment comme le moyen le mieux adapté…
et le plus spectaculaire : n’est-il pas le véhicule
des interventions d’urgence, des opérations spéciales
et des sauvetages difficiles ? Bref, il contient en creux
tout le ferment européen de l’aventure, il concentre
dans le seul fait de sa présence toute l’Europe en miniature,
et simplement induite par la distance franchie hors champs entre
ses décollages et atterrissages. Ainsi, restera-t-il
dans notre inconscient que les Nice People furent acheminés
de leurs pays respectifs par hélicoptère. Grandiose.
Grandiose, oui, d’autant
que montrer " que l’Europe est une réalité "
(Etienne Mougeotte, vice-président de TF1, lors de
la conférence de presse du 08/04/2003), semble ne passer
que par ce type de démonstration. En effet, les portraits
de chacun des " lofteurs " de l’an 03
n’ont fait que raviver des clichés vieux comme le monde.
Eleanor, l’Anglaise, adore le thé et les fringues excentriques.
Serena, l’Italienne, n’a pas son pareil pour préparer
les pâtes, si ce n’est son compatriote Raimondo, par
ailleurs frimeur et fier de l’être, qui adore les voitures
et considère que faire le ménage n’est pas une
tâche pour nous, les hommes. Elena, la Russe, ne se
nourrirait que de toasts au caviar, mais n’aime pas la vodka
(tiens ? !). Raquel, l’Espagnole, ne vit que de
tortillas, de siestas, de fiestas et de tapas. Karolina, la
Polonaise, nous a fait partager la pauvreté et la désolation
de son pays d’origine. Nalle, le Suédois, est un ancien
tennisman de haut niveau. Antti, le Finlandais, ne rate pas
une occasion de piquer une tête dans des eaux glacées,
non sans avoir au préalable passé du bon temps
au sauna. Katrin, l’Allemande, ne peut commencer sa journée
sans avoir avalé du pain aux céréales
et du salami. Quant à Prosper, le Français,
il a volontiers troqué béret, vin et champagne
contre femmes. Etc, etc. Nice People, plus qu’une émission
culturelle, un programme visionnaire.
De fait, ce qui semblait
être une condition nécessaire légitime,
à savoir parler couramment français,
s’avère être la pire mascarade du projet. Non
que nos sympathiques " lofteurs " n’aient
pas le niveau suffisant. Loin de là. D’autant qu’un
bon nombre vit en France depuis plusieurs années. Non,
la mascarade vient de l’interdiction formelle de parler une
autre langue que le français ! Interdiction d’ailleurs
parfaitement assimilée par Arthur et Flavie Flament,
qui y vont chacun de leur interprétation de Nice
People : c’est un Naïce Pipol bien rond et viril
pour lui, là où c’est un Naïce Pipeul pincé
et efféminé pour elle. Alors qu’il serait tellement
plus grand de faire de l’aventure l’occasion pour que chacun
apprenne de chacun. Et Nice People dit l’Europe, oui…
quand c’est la France en grand.