Cela dit, avouons que
la sauce prend très bien avec les nice lofteurs. Certainement
du fait même de sa capacité à se mettre à leur niveau, à tel
point que parfois (souvent même) j’en viens à me demander si
ce n’est pas naturel : au fond, elle est jeune (en tout
cas, le suppose-t-on) comme eux, et comme eux, on ne la comprend
pas toujours. C’est comme si elle parlait étranger dans sa propre
langue. Jusqu’à atteindre une sorte de poésie. Bien sûr, il
y a tout le vocabulaire et les tournures djeune’s qui
ponctuent chacune de ses allocutions : j’suis nice pipolisée,
le bordel grave, c’est ouf !, c’est super nice mega nice,
j’étais flippée, je suis en super panique, j’me la pète, ouais
c’est mortel, j’me la frime, un truc de ouf, c’était la tehon,
etc. Il y a aussi des émanations buccales, et non plus orales,
par vibrations labiales, pour marquer une panne discursive ou
simplement son ignorance, comme un relâchement bruyant et un
peu foireux de l’esprit. Et il y a, de temps à autre, des mots
qui ne passent pas le barrage de la compréhension : ainsi,
au cours de la soirée, explique-t-elle à Raimondo, après qu’il
lui a joué une scène de drague de son cru, qu’elle a ressenti
une “ sorte de fissoi ” (faisant le geste de
se couper les entrailles) à jamais impénétrable. À quand les
sous-titres ?
Ce
registre de la star qui a su rester simple, fait écho, à n’en
pas douter, chez Elena. Du coup, elle peut, elle aussi,
se fendre d’une petite anecdote de star (qu’elle est dans
son pays) sans être définitivement éjectée. Et elle ne boude
pas son plaisir. Mais le plus intéressant, c’est encore une
fois la démonstration de son aptitude à intégrer l’autre.
De sorte que, pour donner ses impressions sur Ophelaï, elle
réussit à s’approprier son phrasé : “ Elle est
super nice, très, très cool, très belle, très fine. Elle est
adorable. Les garçons étaient sssssuper excités ! ”
De l’empathie à la captation.
Entre gens de bonne compagnie, le temps passe vite, et déjà
il est l’heure, pour la chanteuse, de rejoindre sa cabane
au fond du jardin. 23h45, et oui, les effets du jet lag sûrement,
on découvre qu’Ophélie est absolument polyglotte : elle
sait dire bonne nuit dans toutes les langues, ou pratiquement,
Elena devra le lui souffler en russe. Mais, on découvre surtout
qu’une fois démaquillée… au secours.
Un
tout autre drame se trame, cependant. Par un retour de décalage
horaire, nous voilà revenus en direct dans la Villa pour assister
aux premières nominations en vue de la première élimination.
Encore une fois, Elena capte l’esprit de l’instant en nommant
les “ deux maillons faibles ”. Prosper, dans
un registre parfaitement tragique, emprunte une voix éraillée
et un air affecté proche de l’effondrement comme s’il devait
les exécuter de ses propres mains, et Raimondo, attristé,
supplie de ne pas lui demander “ pourquoi, mais Raquel
parce que… ” Quant à Ophélie Winter, elle se cache
derrière des lunettes noires noires, qui lui donne un petit
air de Gilbert Montagné. Finalement, le verdict tombe. Il
s’agit de Katrin et Raquel. Mais, parions que, pour elles,
plus que les nominations, déjà épouvantables, l’épreuve est
de devoir subir les questions de Flavie à chaud et les réactions
et commentaires supposément de réconfort de leurs bons
camarades. Comme absentes à ce qui se passe, elles se contentent
d’opiner avec un air concerné. Et Prosper de leur lâcher une
de ses grandes phrases dont il a le secret : “ L’amitié,
elle est là, elle bouge pas. On a vécu ensemble, il y a quelque
chose, tu vois, ça fait partie du jeu, faut pas se prendre
la tête, y a pas de souci ”. No souçaï ! Et
ce n’est pas Ophelaï qui le démentira.
Nice People, plus qu’une émission culturelle, programme
d’ouverture.