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Soit deux réalités. Et pourtant
pas. La réalité c’est qu’elle n’est pas célibataire. Ailleurs
comme ici. Et pourtant, précise-t-elle encore « le
manque sexuel prend une place de plus en plus importante.
C’est normal, c’est humain ». Il y a donc deux régimes
de réalité : la normalité, associée à l’humain, et l’anormalité,
associée à l’actualité du manque sexuel qui la propulserait
hors l’humain. Son appartenance à l’espèce humaine est donc
contingentée à l’assouvissement de ses désirs sexuels. En
d’autres termes, et comme on l’a déjà vu, cela signifie que
l’humain, dans Nice People, reste vivace par le corps
et ses fonctions primaires.
Soit encore que le principe de la télé-réalité n’est pas la
télé du principe de réalité cher à Sigmund. En effet, selon
Freud, le principe de réalité s’oppose au principe de plaisir,
qui pousse l’organisme à rechercher la satisfaction immédiate
de ses besoins. Les obstacles rencontrés dans cette recherche
amènent l’individu à prendre peu à peu en compte le réel et
à y ajuster sa conduite, en usant de moyens détournés pour
parvenir au but visé (le plaisir). Si l’enfant commence par
être entièrement soumis au principe de plaisir, chez l’adulte,
le principe de réalité prédomine. Alors, que sont nos nice
Lofteurs : enfants ou adultes ? Je pencherais pour
des adultes en devenir soumis à une mécanique perverse.
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En effet, à première vue,
les nice Lofteurs ne sont pas adultes : la
recherche du plaisir les conseille et les agite. Seul Michaël,
corps sans désir et visiblement non désiré, peut prétendre
à ce statut ; mais, ce serait être aveugle et ne pas voir
que son corps tressaille, presque convulse, par intermittences,
par crises devrais-je dire, sous le coup d’autres besoins
tout aussi primaires, sans qu’on sache vraiment lesquels.
À moins que ce ne soient les mêmes, par trop contenus et expulsés
dans une espèce de rut primal ? Sauf qu’à bien y regarder,
on s’aperçoit qu’ils sont adultes : ils adaptent leur conduite
à la réalité du dispositif.
Or, et c’est là toute la perversité du jeu : cette réalité
est totalement phagocytée par le principe de plaisir : les
épreuves, les jeux, les défis sont conçus comme des tremplins,
de véritables tentations, pour parvenir au but visé, alors
même que l’objectif avoué du jeu est d’amener la victoire
d’un seul. Les préoccupations libidineuses étant inversement
proportionnelles aux obligations du travail, la suractivité
induite par ces épreuves, jeux et défis n’est que purement
factuelle et par-là même factice, car propre à fournir un
spectacle télévisuel de la réalité. Dès lors, on s’aperçoit
que, d’un point de vue moral, la réalité n’est jamais en tant
que telle ni un critère ni une valeur : elle devient problématique
et il est nécessaire de la refuser ou de l’accepter à partir
d’une autre chose que d’elle-même - un idéal, par exemple.
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L’idéal des nice
Lofteurs est entièrement cristallisé dans la normalité
invoquée par Karolina . Normalité qui autorise et légitime
« des tas de trucs ». En même temps, Loana et Jean-Edouard
ont ouvert, en leur temps, le champ des possibles du surgissement
de la normalité au sein de cette réalité. Bien sûr, ils ont
pris soin de le refermer aussi sec. Il n’empêche que chaque
couple à naître, tels Prosper et Eleanor cette saison, réactive
ce champ et toutes les tensions qu’il génère. Au cœur de ces
tensions s’exprime la capacité de chacun à prendre en compte
le réel et à en surmonter les obstacles afférents. Ainsi,
l’intrusion de la normalité confronte-t-elle nos amis au dur
principe de réalité. N’est-ce pas Karolina , « c’est
dur » !?
Nice People , plus qu’une émission culturelle, un
programme pervers.
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