Loft Story 1, Loft Story 2, C'est mon choix,
Popstars 1, Popstars 2, Nice
People, Le Maillon faible, Y’a que la vérité
qui compte... en quelques années la télévision française
a fait très fort dans la médiocrité. Mais avec Bachelor
, le gentleman célibataire, M6 franchit un nouveau
cap. Pourquoi ? Parce que la nouvelle création de la "petite
chaîne prête à tout pour monter" touche à ce qui ne devrait
jamais faire l'objet d'un jeu télévisé : le sentiment amoureux.
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Dans les années 80, il y
avait Tournez Manège avec les mythiques Fabienne Egal
et Charly Oleg. Mais à l'époque, les couples se formaient
après quelques séries de questions gentillettes. Avec Bachelor,
les règles se sont corsées. Comme les candidats qui se s'étaient
succédé durant la majeure partie des années 80 sur les tréteaux
du manège en carton-pâte de TF1, le gentleman célibataire
de M6 doit parfaire sa connaissance des différentes prétendantes.
Mais lui dispose de plusieurs émissions, de plusieurs semaines,
de plusieurs vagues successives d'élimination pour faire son
choix, pour découvrir la personnalité des concurrentes. Et
quand on parle de découverte amoureuse dans le jargon télé-réalité,
cela va très loin. De la rencontre avec les parents à la partie
de jambes en l'air.
C'est justement cet éventail intime qui pose problème, et
qui pour tout dire donne envie de vomir. Olivier, le beau
gosse en quête du grand amour, se comporte comme un goujat
de première. Il tripote alternativement Muriel, Sandra et
Alexandra. Un petit bisou pour l'une, une petite caresse pour
l'autre : le garçon n'est pas avare de tendresse. Mais atteindre
des sommets d'audimat requiert plus que des préliminaires.
Il faut du sexe. Dans les prochaines émissions, Olivier va
donc leur proposer de coucher avec lui. Je dis bien "leur
proposer". "Leur" avec un pluriel au sens très
polygame. En clair, le charmant célibataire va s'envoyer les
trois filles en simultané. Ou plutôt en léger différé, parce
qu'il partira successivement en voyage avec les trois dernières
candidates restant en course. De l'abattage à la chaîne en
somme.
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Il ne s'agit pas ici de
faire son puritain, de dire que foi de Christine Boutin, c'est
mal de sortir ou de coucher avec plusieurs filles en même
temps. Chacun fait ce qu'il veut de sa vie. Mais ce qui choque,
c'est la vision de l'amour que délivre M6, une chaîne de télé
d'ordinaire si prompte à donner des leçons de morale. Ses
émissions phares telles Zone interdite ou Ca me
révolte soulignent à grands renforts de reportages formatés
combien notre méchante jeunesse française est machiste, car
nourrie aux films pornos. Et ce particulièrement dans les
banlieues dites, au choix, « difficiles » ou « sensibles ».
Le diagnostic sociétal n'est pas faux, c'est vrai que le succès
de l'industrie pornographique ne contribue pas vraiment à
combattre la misogynie. Mais quel est peut-être l'impact sur
un jeune spectateur mâle d'une émission où le "gentleman"
choisit sa dulcinée comme on tâte un melon pour voir s'il
est bien mûr ? Cette hypocrisie télévisuelle fait penser à
ces talk-shows traitant d’anorexie bornés par des publicités
qui présentent la maigreur comme une norme esthétique incontournable.
Paradoxe cathodique qui montre combien le petit écran est
prêt à toutes les contradictions pour faire exploser l'audimat.
Bachelor , le gentleman célibataire, ce n'est rien,
un épiphénomène qui retombera dans l'oubli dans les mois suivant
sa diffusion. Mais il témoigne d'une logique à la continuité
inquiétante. D'année en année, les chaînes de télévision proposent
à leurs téléspectateurs une vision de plus en plus édulcorée
de la réalité, de la vie. Dans Bachelor, la séduction
amoureuse est présentée comme un jeu-concours. Dans Nice
people, se couper les cheveux permet de récolter 5 000
euros. Dans Popstars, Star Academy ou A
la recherche de la nouvelle star, le métier de chanteur
est résumé à celui d'interprète. Tout ce qui fait la complexité
humaine est systématiquement écarté. Du moins la journée.
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