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La nuit, les responsables
de la programmation se risquent parfois à insérer des émissions
plus enrichissantes. Le cinéma français souffre de cette
volonté de faire sage, de faire propre. Les films "difficiles"
(comme les banlieues !) sont repoussés en deuxième partie
de soirée. Quand ils ne sont pas évincés sans ménagement des
programmes. Il y a quelques années, les réticences de France
2 à diffuser L'appât de Bertrand Tavernier avaient
secoué le petit monde de l'audiovisuel. Aujourd'hui, la même
censure (le mot est fort, mais comment qualifier autrement
de telles attitudes ?) existe. Simplement, intervenant plus
tôt dans le processus de création cinématographique, elle
en est rendue moins visible, et donc moins dénoncée.
Les chaînes de télévision, désormais source de financement
incontournable pour le cinéma hexagonal, font pression - et
ne s'en cachent pas - sur les producteurs pour qu'ils tournent
des films pouvant passer en première partie de soirée. En
grande partie des comédies, genre plus consensuel. Or, ce
qui surprend à la vision de Bachelor, le gentleman
célibataire, programme une nouvelle fois importé des Etats-Unis,
c'est sa moralité loin d'être exemplaire. La notion de fidélité
est partie en vacances, le sexe omniprésent. On est très loin
de La petite maison dans la prairie. Parallèlement,
d'autres programmes (les séries policières de quatrième zone
venant là-aussi en grande partie des USA) font de la violence
un produit d'appel.
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Pourquoi alors refuser de
soutenir des films sous prétexte de sexe ou de violence, puisque
ces éléments sont déjà présents à haute dose dans les grilles
de programmes ? Tout simplement parce que si ces films, tels
que L'appât par exemple, montrent des scènes violentes
ou des séquences de sexe, ils essaient, eux, de développer
une réflexion à partir de ces plans pseudo-choquants. Et c'est
là le cœur du problème. En télévision, il ne faut surtout
pas faire réfléchir, ne surtout pas poser les questions qui
fâchent, juste détendre le spectateur... et aussi faire de
l'argent, beaucoup d'argent.
Suivant cette optique toute mercantile, les chaînes de télé
encourageront toujours davantage la création d'un La vérité,
si je mens 3 que les prochains films de Laurent Cantet
ou d'Alain Guiraudie. Dommage pour le réalisateur de L'emploi
du temps et pour celui de Ce vieux rêve qui bouge,
dommage pour le cinéma, dommage pour la télévision, mais surtout,
au final, dommage pour nous autres spectateurs. Nous qui sommes
des victimes trop souvent consentantes de débilités comme
Bachelor, le gentleman célibataire. Qui d'entre
nous, lors de soirées entre amis ou tout seul chez soi, ne
s'est pas arrêté sur telle ou telle émission de télé-réalité
pour "se moquer des candidats" ou "halluciner
sur les règles du jeu" ? Mais à quoi bon se mentir. Nous
regardons Bachelor et compagnie parce que cela comble
efficacement le vide de nos existences moroses. Croyant être
en révolte contre ces programmes, nous ne faisons au contraire
que les renforcer. Nourrissant leur audience au risque de
les faire perdurer, voire se multiplier. TF1 commence la diffusion
de Greg, le millionnaire. M6 prépare pour l'année prochaine
la version féminine de The Bachelor. Quand tout cela
va-t-il s'arrêter ? Quand la télévision va-t-elle enfin se
considérer comme un vecteur de culture plutôt que comme un
moyen d'abêtissement ?
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