On entend parler, de loin, avec un intérêt
relatif, des remous secouant Les Cahiers du Cinéma
en cet été 2003. Ceux-ci intéressent le
milieu restreint de la cinéphilie nippone, celle qui
lisait les parutions chaotiques de l'édition japonaise
des Cahiers, ou qui se rendait à la Semaine des Cahiers,
organisée chaque année à l'Institut franco-japonais
de Tokyo. Les Cahiers déléguaient un des leurs
(ces deux dernières années, Emmanuel Burdeau et
Jean-Marc Lalanne), avec un choix de films français défendus
par la revue.
On semblait s'intéresser nettement
moins au regard que portait la revue sur le cinéma japonais
dès lors que la présence du clan était
assurée : Kyoshi Kurosawa, Shinji Aoyama, Nobohiro Suwam,
Naomi Kawase, tous d'excellents cinéastes. Quant au reste...
Takeshi Kitano baignait dans la lumière du précurseur,
Takashi Miike comme héritier de toutes les traditions
de genres cinématographiques du Japon (ou pour le formuler
autrement, Miike serait un Hong Kong à lui seul, cherchant
à reformuler les films de gangsters, fantastiques, polars,
comédies burlesques), et Hayao Miyazaki, le dernier grand
maître du cinéma classique.
Alors quelle place pour les autres ? Dans ce numéro double
de juillet-août, sur les séries américaines,
deux notules sur deux productions qui ont déjà
deux, trois ans... C'est qu'il en faut, parfois, du temps pour
faire le trajet Tokyo-Paris (!) sans parler des trajets Paris-Tokyo
qui n'ont jamais lieu. Bref, Kazushi Watabe et Shu-Lea Chang,
réalisateurs respectifs de 19 et I.K.U., voient
leurs films sortir à Paris durant la canicule... Accueil
tiède, mou. Les Cahiers reprochent à Watabe de
trop faire dans le " Kitano "...
Il y a plus de deux ans, j'étais
contacté par les producteurs du film, et par le festival
de Toronto, afin de réfléchir à une programmation
thématique sur " les enfants de Kitano ",
de la forme au récit. Watabe avait déjà
remporté le Prix du festival Pia à Tokyo pour
une version plus courte de 19 ; cette récompense
l'encouragea à tenter un premier long-métrage
qui témoignait de l'impact de l'univers Kitano sur
une " bande " qui n'avait rien à voir avec
les gangsters croisés dans Sonatine. Aucune
loi, pas de code, pas de règles, pas d'élégance,
et surtout pas d'argent. 19 ne joue pas sur le syndrome
scandinave... du rapport otage-kidnappeur, mais sur la question
qui est au cœur de tout le cinéma japonais contemporain
: quel héros pour la société contemporaine
?