La fin de journée est difficile. La
moiteur, la proximité de l'être humain et la chaleur ont fait
leur effet. L'ivresse m'a gagnée et l'envie d'aller m'engouffrer
dans une salle obscure devient forte. Après tout, ce sera
une bonne occasion d'observer l'Américain moyen face au média
cinéma et son attitude dans une salle obscure. Et puis les
salles sont climatisées... C'est vers Le Village que
mon choix s'oriente. Shyamalan est un cinéaste qui me plait,
qui garde sa ligne de conduite contre vents et marées, remettant
au gout du jour un cinéma fantastique « cheap »,
rempli de grosses ficelles, bourré de défauts mais très attachant
et toujours plaisant à regarder. Première surprise, le film
est diffusé dans sept salles d'un cinéma qui en compte 25.
Une séance toutes les vingt minutes. Autant dire que ça dépote
aux caisses. Au nombre de dix, elles sont toutes tenues par
des jeunes filles métisses qui ressassent deux expressions
à longueur de journée: « May I help you »
et « Enjoy the show ». Enjoy the Show...
L'envie de discuter avec la caissière sur l'aspect show des
films me gagne, mais la queue derrière moi est importante
et par solidarité avec mes compagnons d'attente, je passe
mon chemin, me dirigeant vers les escalators qui mènent au
quatrième étage du multiplexe. La salle 21 est devant moi.
L'ouvreur me lance un très joyeux « Enjoy the show ».
Se sont-ils passés le mot ? J'entre...
La salle est presque pleine à craquer. L'odeur de graillon
est forte. Tous mes voisins sont munis de hot-dogs et de pop
corn recouverts de beurre fondu (en tout cas un liquide qui
en a l'odeur...). Après un léger amusement, cette pollution
olfactive me gêne franchement, mais les lumières s'éteignent
et la séance est lancée. Etant grand adepte de la publicité
et des bandes annonces au cinéma, je suis servi copieusement.
Pas moins de vingt-cinq minutes de propagande pour les blockbusters
à venir et le début des films formatés aux Oscars et autres
récompenses, la saison des prix commençant dans les prochains
mois. Début du film. Le silence devrait être total, mais les
canettes de Coca Light s'ouvrent, le pop-corn craque sous
les dents et les gens discutent tranquillement du film. Les
moments de stress sont commentés en direct live. « Même
pas peur ! » à ma droite ou bien « Je l'avais
vu venir ! » devant moi. L'ouvreur et la caissière
avaient en fait entièrement raison. C'est un show.
Le film a ses qualités avec un aspect
politique important, qui prend tout son sens dans cette ville
de New York avec la convention républicaine se déroulant actuellement,
que mes co-spectateurs ne semblent même pas effleurer, restant
cantonnés à un film fantastique, qui s'avère en effet assez
moyen si on ne va pas au delà. Conscient d'avoir vécu un moment
particulier pour un Européen, je rentre chez moi et tente
de regarder un film à la télévision. Après la quatrième coupure
pub, j'abandonne et m'endors tranquillement. Je rentre en
France demain. Les Américains savent faire de bons films mais
ne sont pas capables de les regarder.
Je suis allé au cinéma hier. En récupérant mon billet, la
charmante ouvreuse m'a souri en disant: