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Les onze courts métrages du programme
Souviens-toi de sanctifier le jour du sabbat
(1995, 6 min) :
Ezekiel Middenbender, citoyen de la petite ville
perdue de Joesville, est enlevé par des extra-terrestres.
Cow-Boys : Slim l'entourloupeur (1992, 3
min) : Tous acclament Slim qui devient
leur nouveau chef. Et tous s'enrichissent. Mais
il va désormais falloir se barricader pour ne
pas risquer de perdre le moindre sou...
Tu ne voleras point (1994, 5 min) :
Hank est un homme de bien, qui essaie en vain
de dissuader les autres ouvriers de voler sans
vergogne les biens de l'entreprise.
La Chaîne (1997, 10 min) : Un enfant
gribouille sur une feuille de papier. Il en
résultera une guerre mondiale.
L'Histoire du monde: la découverte du langage
(1994, 3 min) : Un groupe de femmes
et un groupe d'hommes trouvent des lettres dans
la terre. Les mots qu'elles formeront changeront
leur vie.
Tu ne commettras point l'adultère (1994,
5 min) : Tex et Mary Lou ont été abandonnés
dans l'espace suite à la faillite de la Nasa.
Ils tomberont amoureux l'un de l'autre …
Le Vent des changements (1996, 15 min) :
Les mémoires d'Alex Balanescu, célèbre compositeur
(qui a souvent travaillé avec Phil Mulloy).
A l'est dont il est originaire, comme à l'ouest
(où il est parti vivre), c'est toujours la même
histoire : il faut se conformer.
Tu ne convoiteras pas ce qui appartient à
ton prochain (1996, 5 min) : Cisco
est allé s'installer au Mexique. Sa nouvelle
affaire connaît un grand succès, et chaque soir
il remercie Dieu et lui demande de légitimer
l'exploitation et le meurtre de gens innocents.
Cow-Boys: le train sifflera trois fois (1992,
3 min) : Une parodie du film de Zinnemann
où les cow-boys sont littéralement montrés comme
des clowns.
Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain
(1996, 9,5 min) : Un homme prend la
place d'un chien afin de gagner l'affection
de sa maîtresse, tue accidentellement le premier
Ministre…
Intolérance (2000, 11 min) : Une
bobine de film est retrouvée, montrant la vie
d'extra-terrestres. Ceux-ci sont en de nombreux
points semblables aux humains, si ce n'est que
la tête et les organes sexuels sont "au
mauvais endroit".
Les films
de Phil Mulloy
Traductions d'écrits de Paul Wells pour
le British Film Institute
Né à Wallasey, dans le Cheshire, Phil Mulloy
étudie la peinture au Ravensbourne Art College
dans le sud de Londres. Il se tourne vers la
fiction et la télévision après avoir réalisé
un court métrage d'animation grâce auquel il
est admis au Royal College of Art. Diplômé en
1971, Mulloy travaille comme scénariste et réalisateur
jusqu'à la fin des années 80, notamment avec
Keith Griffiths, producteur des frères Quay
et de Patrick Keiller. Puis il part vivre au
Pays de Galles, dans une étable réaménagée,
non loin de Carmarthen, et se consacre à plein
temps à l'animation.
'L'Oeil du cyclone', l'histoire d'un enfant
qui met fin à la cruauté humaine, contient des
images étonnantes qui s'inspirent de scènes
de pendaison de prisonniers de guerre russes.
Ce film préfigure la vitalité iconoclaste de
la décennie suivante, qui approfondira le thème
de l'inhumanité de l'homme envers l'homme. 'Possession'
associe la prise de vue réelle et l'animation:
cette histoire du Petit Chaperon Rouge s'intéresse
à la tension entre le loup comme agent du chaos
et le bûcheron qui représente l’ordre ; un dispositif
métaphorique que Mulloy met très souvent en
place pour exposer les aspects illusoires, contradictoires
et nihilistes de la société "civilisée".
'Cowboys', la série en six parties réalisée
pour Channel Four, a porté Phil Mulloy sur le
devant de la scène nationale et internationale.
Elle a conforté son engagement dans l'animation,
qui lui permet d’aborder de façon personnelle
et terriblement efficace n'importe quelle question
quel que soit le contexte ou le genre. Le fascisme
implicite inhérent au western y est amené vers
sa conclusion logique à travers une description
de la compétitivité et de la cupidité masculines
qui se manifestent dans des actes de plus en
plus violents. Dans chacun des six épisodes,
la recherche d’une gratification immédiate et
la poursuite d'un besoin insatiable concourent
à bouleverser à la fois les attentes génériques
et les orthodoxies sociales.
Ses 'Dix Commandements', construits sur le même
modèle, allient le surréel et le social. Ils
montrent un Dieu qui, en faisant l'homme à son
image, a fait preuve de Ses propres faiblesses
et de Son inhumanité. Quant aux points de vue
de Mulloy dans 'L'Histoire du monde', ils sont
aussi audacieux que leur attaque sans retenue
des sensibilités conservatrices.
Le succès de ces approches très amusantes des
codes génériques et des conventions liés à la
masculinité aux prises à ses excès, ont encouragé
Mulloy à pousser sa recherche plus loin dans
une série de films plus personnels. ‘Le Son
de la musique' et ‘Le Vent des changements’,
exemples de ce que Mulloy a fait de meilleur,
affirment que l’art doit nécessairement être
individualiste et sans concession face à ceux
qui affichent leur indifférence ou leur hostilité
à la "différence" esthétique et intellectuelle.
Les deux films rejettent l'autoritarisme, le
matérialisme et le conformisme et mettent en
valeur l'art, et plus particulièrement la musique,
comme instrument de libération et d'affirmation
individuelle.
On trouve une approche plus ludique de ces thèmes
dans 'Intolérance' et 'Intolérance II: l’invasion'
qui parlent du conformisme en parodiant les
films de science-fiction sur l’invasion extra-terrestre
et la paranoïa qui s’ensuit. 'Intolérance' aborde
la préoccupation principale de Mulloy (le comportement
sexuel et l'identité sociale) en utilisant les
extra-terrestres de la planète Zog (pour re-définir
les excès des tabous liés aux relations sexuelles
coïtales, anales et orales) et la diversité
des excroissances du corps humain pour reconfigurer
ses fonctions et utiliser l'animation dans ce
qu’elle a de plus remarquable: comme moyen de
re-définir l'aspect physique et le matériau
monde. 'Intolérance II' va plus loin en utilisant
les Zogs et leur tête en forme de pénis (une
métaphore à peine voilée de l’immuabilité de
l’autorité patriarcale, des impératifs de la
sexualité masculine et du pouvoir phallique)
dans une histoire où ils prennent le contrôle
de l'humanité, provoquant la paranoïa de Dwight
Hokum : alors qu’il a embrassé la religion,
Hokum s’aperçoit qu’elle est inadaptée à ses
attentes, et, après avoir assassiné les membres
de sa famille qu'il croyait être des Zogs, il
découvre que, lui aussi, est l'un de ces extra-terrestres
redoutables.
La force et l'intensité de l'imagerie de Phil
Mulloy ne fait pas seulement de l'animation
une forme d'expression unique, elle révèle son
auteur comme critique perspicace de l'inégalité,
de l'hypocrisie et du conflit sous-jacent de
la vie contemporaine.
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