Contrairement à leurs aînés,
Laurent et Winnie s’aiment mais ne veulent pas se l’avouer,
comme au temps des plus bouleversantes comédies américaines.
Cette pudeur des sentiments leur fait parfois penser qu’ils
ratent tout au moment même où ils vivent peut-être des moments
importants de leur vie, au moment où ils sont dans un doute
productif, au moment où ils entrent dans des phases ultimes
de décision. Dans «croque la vie», les trois copains-copines
du film découvraient à l’issue d’un bal costumé que leurs
enfants avaient fugué. Ils réalisaient alors que quelque chose
s’était passé dans leur vie. Une perte d’innocence ? Ils ne
seraient plus les mêmes en tous cas. Du temps avait passé,
l’insouciance les avait quittés.
Les couples ont peur mais
ne se le disent pas. C’est ce qui fonde leur longévité, quitte
à passer par des phases d’absence. Curieusement, même ensemble,
les amoureux des «gens qui s’aiment» (entre autres films)
sont seuls au monde. Ils peuvent s’enfermer dans une chambre
pendant des heures voire des jours, les bras chargés de bouteilles
de champagne et de petits beurres, s’amusant comme des enfants
à l’écart du monde.
«L’inquiétude fait partie
du bonheur» dit Angie à un moment donné. C’est le doute qui
fonde les bases de la philosophie optimiste. L’épicurisme
n’existe pas sans la sensation vivace qu’on a vécue un jour
qui sera peut-être le dernier de sa vie. Dans Les gens
qui s’aiment, la mort est abordée très brièvement, sans
pathos.
Elle rappelle là aussi la
fin de Il y a longtemps que je t’aime. Sauf que là
encore, la variation narrative est subtile et encore plus
émouvante. Si la maladie renouait dans ce film les liens de
Brigitte et François, dans Les gens qui s’aiment, la
mort de Jean-François consacre la solitude d’Angie. Son cri
déchirant et libérateur le soir de l’enterrement exprime tout
l’amour qu’Angie aurait pu encore dire et porter à Jean-François.
Cette mort garde pourtant un caractère positif car elle concrétise
paradoxalement le couple formé par Laurent et Winnie, selon
les souhaits du défunt, dont la voix gardée en mémoire par
un dictaphone, continue de résonner.
Laurent et Winnie, couple
«borzagien» (1), ont appris la patience. Solitaires,
ils peuvent désormais s’accompagner l’un l’autre.
En signant ce onzième long
métrage cinéma, Jean-Charles Tacchella réalise une œuvre minimaliste
et épurée : plus encore que dans ses précédents films, préservant
par moments son regard amusé sur la société et la famille,
il semble aller encore plus au cœur des sentiments humains.
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1) Frank Borzage, cinéaste
américain aux films rares et impressionnants,
dont les personnages amoureux finissent le plus
souvent par triompher des vicissitudes.
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Titre :
Les gens qui s’aiment
Réalisateur :
Jean-Charles Tacchella
Scénariste :
Jean-Charles Tacchella
Acteurs : Jacqueline
Bisset, Richard Berry, Julie Gayet , Bruno Putzulu,
Sandrine Bonjean, Marie Collins, Mélanie Doutey
Directeur de la photographie
: Dominique Chapuis
Compositeur : Raymond
Alessandrini
Chef monteur : Anna
Ruiz
Producteur : Gérard
Jourd'hui
Production : Artémis
Productions, Blue Dahlia Productions, France 3
Cinéma, JCT Productions, Le Studio Canal+, Samsa
Films, Tornasol Films S.A
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