SYNOPSIS :
Vincent, père de famille à la campagne, ouvrier-soudeur
en usine et peintre à ses heures perdues, décide
un beau matin de laisser derrière lui famille et usine
pour s’en aller à l’aventure. Une rapide visite chez
son père, qui extrait des liasses de billets de son coffre-fort
pour les offrir à son fils, et voilà Vincent parti
pour Venise. Pendant ce temps, la vie continue au village… |
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POINT DE VUE
Qui n’a pas rêvé
d’abandonner son travail, et les contraintes de son travail,
pour partir à l’aventure du monde ? Ce très
bel argument narratif, tout important qu’il soit dans l’économie
générale de Lundi Matin, est insuffisant
à résumer le film, qui conte autant d’histoires
qu’il compte de personnages. La vision de Iosseliani est une
des plus larges et des plus profondes du cinéma contemporain :
le cinéaste filme le monde (la campagne et la ville,
la ferme et l’usine, la France et l’Italie,…) et l’humanité
(hommes et femmes ; parents, enfants et aïeux ;
prolétaires, aristocrates et prêtres ;…)
d’un point de vue supérieur. Sa mise en scène
affectionne ainsi les plans larges et la profondeur de champ.
Démiurgique en apparence, cette vision n’est en réalité
d’aucun dieu mais bien plutôt de celui qui n’a peur
d’aucun dieu. Cette qualité épicurienne,
ce détachement suprême, est dénué
d’ostentation, d’orgueil ou de mépris : Iosseliani
au contraire le partage avec ses personnages. Quoi qu’il advienne,
la vie continue. L’argent, par exemple, lorsqu’il vient à
manquer, apparaît miraculeusement (les liasses de toutes
les devises du monde enfermées dans un coffre-fort
par le père de Vincent, ou le trésor de vieilles
pièces enterrées par sa mère dans un
potager) et se révèle tout à fait inutile
(Vincent se fait voler son portefeuille aussitôt arrivé
à Venise, et il rentre à temps dans sa famille
pour empêcher que celle-ci, par manque de ressources
en son absence, ne mette le trésor à profit).
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L’insouciance légère
des personnages, leur désintéressement envers
les valeurs convenues, atteste que le point de vue de Iosseliani
sur notre petit monde est aussi attentif que familier et généreux.
Alors que le même voleur qui l’avait déjà
dépouillé tente à nouveau sur lui sa
chance, Vincent se retourne vers le détrousseur, lui
montre en souriant ses poches vides et, camaraderie des marginaux,
les deux compères se quittent sur une poignée
de main.
Le regard de Iosseliani ne prête pas pour autant à
une accusation d’angélisme, et le cinéaste ne
s’aveugle pas sur les petites misères quotidiennes
du monde : le voisin de Vincent au village, sorte de
double aux valeurs inverses de notre " héros ",
en témoigne à chaque apparition. Une caravane
de gitans vient-elle à passer dans les rues que le
bonhomme s’enferme à double tour dans sa propriété,
se cache derrière un volet et, un fusil à la
main, guette les " voleurs de poules ".
Le même joyeux homme, alors que ses enfants ont prêté
l’un de leurs nombreux vélos au fils de Vincent, se
paie d’une leçon de morale (" vous savez
combien ça coûte ", etc.) et, au volant
d’un tracteur, s’en va récupérer la bicyclette.
LA COMEDIE HUMAINE
C’est la comédie
humaine que filme Iosseliani, avec une grâce jubilatoire.
Plus que les actions particulières des uns et des autres,
plus que les motivations singulières des uns et des
autres, c’est le mouvement commun à tous qui le captive.
Sous le regard du cinéaste, le monde apparaît
comme un incessant ballet dont Lundi Matin donne
à voir, dans le détail des gestes et des actions,
le mouvement d’ensemble – mouvement qu’on dirait celui de
la vie même.
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