À partir de cette rencontre,
ce que Renoir montrait dans La règle du jeu s’inverse
totalement. Jusque-là, la guerre restait une chose
relativement abstraite parce que ses protagonistes, de façon
individuelles, en limitaient la portée. La caméra,
en se rapprochant des personnages éloignait d’une
certaine manière la réalité du conflit
et, pour un peu, la mise à mort d’une population
bombardée au Napalm aurait trouvé une justification
dans le désir frénétique d’un homme
de surfer au cœur d’une zone de combat. Mais avec l’apparition
du Colonel Kurtz, le conflit prend en quelque sorte " figure
humaine " même si cette figure apparaît suffisamment
déformée pour qu’on puisse douter de sa réalité
matérielle.
Willard, qui - contrairement aux autres militaires - semble
conscient de la dimension de cette guerre et de sa propre
responsabilité, s’interroge : en quoi le colonel
Kurtz est-il différent de lui, ou des hommes qui
ont ordonné cette mission ? Cette question va trouver
une réponse lors de la célèbre scène
finale qui prend, dans la nouvelle version, une dimension
particulière. On y montre une secte barbare livrée
aux rites païens, des têtes coupées, des
corps suspendus. Le colonel Kurtz, filmé dans l’ombre,
apparaît en étrange silhouette, sorte de monolithe
totalement déshumanisé dont on perçoit
confusément qu’il porte en lui la clef du film.
N’en déplaise à Yves
Lavandier, Apocalypse now est sans doute plus un
film sur la guerre qu’un film de guerre. Car ce dont nous
parle Coppola, n’est-ce pas plutôt du conflit intérieur,
de la haine de soi qui conduit la plupart du temps à
la haine de l’autre, " cette condition non seulement nécessaire
mais essentielle des guerres " ? Ainsi, ce n’est pas tant
la guerre qui conduirait Kurtz à la folie, mais la
folie de Kurtz qui engendrerait la guerre. Et si Kurtz,
devenu symboliquement une figure du conflit, prends aussi
l’apparence d’une idole primitive, c’est que la question
de l’origine de la guerre en tant qu’extension d’un conflit
intérieur, pose finalement la question de l’Origine
tout court. Apocalypse now, de ce point de vue, a
tout d’une introspection douloureuse et la lente remontée
du fleuve par Willard et ses hommes des allures de retours
aux sources. Ainsi, la société archaïque
que Kurtz reproduit autour de lui participe de cette même
logique.
Titre : Apocalypse Now Réalisateur :
Francis Ford Coppola Scénariste :
Francis Ford Coppola, John Milius Acteurs : Martin
Sheen, Marlon Brando, Robert Duvall, Dennis
Hopper, Frederic Forrest, Sam Bottoms, Albert
Hall, Laurence Fishburne, G.D. Spradlin, Harrison
Ford, Jerry Ziesmer, Scott Glenn, Bo Byers,
James Keane, Kerry Rossall, Ron McQueen, Tom
Mason, Cynthia Wood, Colleen Camp, Linda Carpenter,
Jack Thibeau, Glenn Walken, George Cantero,
Damien Leake, Herb Rice, William Upton, Larry
Carney Compositeur :
Carmine Coppola, Francis Ford Coppola, Mickey
Hart 1er assistant réalisateur :
Jerry Ziesmer Régisseur général :
Gabe Sumner Conception générique :
Wayne Fitzgerald Directeur de la photographie :
Vittorio Storaro Ingénieur du son :
David Bell Costumier : C.
E. James, D. M. Fill, L. Bayless, G. Little,
N. Burza Maquilleur :
Jack H. Young, Fred C. Blau Jr. Directeur du casting :
Terri Liebling, Vic Ramos Directeur artistique :
Dean Tavoularis Script : Nancy
Hopton Production :
Zoetrope Studios, Pricel, Studio Canal, Zoetrope
Studios Producteur :
Kim Aubry, Francis Ford Coppola Distribution :
AKLF Date de sortie : 1979
et 2001 Durée : 3 h
52 mn Pays : USA