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De l'eau tiède sous un pont rouge (c) D.R. DE L'EAU TIEDE
SOUS UN PONT ROUGE

de Shohei IMAMURA
Par Nadia MEFLAH


SYNOPSIS : L'histoire est celle de Yosuke, d'une quarantaine d'années, au chômage. Sa femme vient de le quitter avec son jeune fils. Il se rend dans un village de la péninsule de Noto sur les conseils d'un vieux vagabond Taro, philosophe épicurien. Dans une maison près d'un pont rouge, au bord de la rivière, se cacherait une jarre contenant un Bouddha en or, volé dans un temple de Kyoto par ce vieil homme, plusieurs années auparavant. Yosuke ne trouvera jamais la jarre mais une femme étrange. Saeko vit dans cette maison avec sa tante âgée qui communique avec les esprits. C'est une belle jeune femme, kleptomane et elle possède le pouvoir de faire s'éclore les fleurs hors saison. Tout comme de faire remonter les poissons de la mer à la rivière grâce à l'eau qu'elle sécrète mystérieusement lorsqu'elle éprouve un plaisir charnel. En s'y " baignant ", Yosuke va retrouver sa vitalité...

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« …démone…je fructe tes nectars…ta voulpe d’émeraude…je m’endiamêle sous tes bisons chevus…douce alampée d’algues…ce susurrant déferle au goulet de tes cuisses…murène…j’épluche tes branchies…ma friandise… » Satori 18 extrait de Satori de Louis Calaferte, Edition Folio / Gallimard (1997)


AUTANT EN EMPORTE LES FLOTS


  De l'eau tiède sous un pont rouge (c) D.R.

Fuck me ! ", ou les dernières paroles du dernier film de Stanley KUBRICK Eyes Wide Shut (1999). Ce " baise-moi " de la femme fantasmée adultère adressé à l'homme impuissant (de l'épouse KIDMAN au mari CRUISE.. ) sonne encore comme une violence vitale absolue. Ce sont surtout les mots émouvants d'un cinéaste âgé qui en avait vu d'autres. La boucle est bouclée, et c'est de cette évidence de vie dont nous parle un autre homme d'un certain âge, Shohei Imamura, 74 ans en ce troisième millénaire.

Le bonheur que nous procure son dernier film De l'eau tiède sous un pont rouge vient de cette jouissance de la vie à vivre, ici et maintenant, distillée par le récit, tel un ruban non de rêve (le cinéma de Welles) mais d'eau, de souffle, de fleurs épanouies et de mots cachés. Car il s'agit bien pour notre homme Yosuke (impeccable Koji Yakusho, acteur de L'anguille d'Imamura, de quatre films de Kiyoshi Kurosawa et de Eureka d'Aoyama) d'enrouler tous ces indices, signes et formes parsemés sur son chemin afin d'atteindre sa plénitude. Il y a d'abord les paroles de son vieil ami Taro (Kazuo Kitamura, acteur fétiche du cinéaste), clochard illuminé aux lectures d'Ovide avec ces sentences érotiques : " La vie vaut d'être vécu tant qu'on bande ! Être lubrique et se noyer dans les bras d'une femme ! " Premier gouvernant d'un Yosuke désemparé, Taro vit entouré de livre épars au sol, au bord du fleuve et il aime à raconter la vie, tel un éclaireur philosophe. Il offre à son jeune disciple désorienté (le travail manque, sa femme demande le divorce, son fils vit loin de lui ) un conte avec un rébus à déchiffrer et lui promet la découverte d'un trésor en guise de récompense. Le cinéaste va malicieusement offrir à notre héros mutique, différents passeurs qui vont lentement et sûrement le guider sur le chemin de la vie. Taro est celui qui permet que s'enclenche la logique de désir de narration. D'ailleurs, le générique et le titre du film s'affichent bien après ce prologue. C'est lorsque Yosuke part pour le village où se niche la jarre secrète que va s'exercer notre vigilance, car comme lui, nous sommes à l'affût, en attente enchantée. La musique de Shinichiro Ikebe sait se faire mutine et légère, ondoyante comme les poissons argentés, et sonnante à chaque nouvelle étape franchie par notre voyageur.