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Apocalypse gelée

Il s'agit donc bien d'un film de guerre avec ses batailles, du sang et des trahisons. Mais Olmi, malgré une reconstitution sidérante de l'époque (autour de 1530), où chaque détail est soigné, des décors jusqu'aux costumes, ne fait à aucun moment de son film, juste un film historique ou un simple film de guerre. Il souffle continuellement dans cette histoire, une atmosphère onirique, une poésie ténue, due autant au tempo choisi - extrêmement distendu loin de toute frénésie guerrière - qu'aux images fortes aux aspects allégoriques disséminées dans la trame du récit, telles des veduta ouvertes sur un sens profond et tragique de l'Histoire; ainsi cette scène où les bandes noires de Médicis, mettent à sac une chapelle à la recherche de bois pour se chauffer ; ils iront jusqu'à brûler un christ primitif, Olmi s'attardant alors sur le démembrement de l'effigie. On retrouvera plus tard ce Christ sacrifié une deuxième fois, sur le dos d'un vieillard insensé qui hante le film comme un guide, invectivant sans cesse les soldats, véritable mauvaise conscience de l'époque. Son discours résonne avec force à nos oreilles d'aujourd'hui, délivrant une vérité sur les conflits et la construction d'un avenir pour l'humanité. Tout le film de Olmi prend alors avec cette figure du fou à la parole juste, une dimension magistrale, inscrivant le film dans un espace de sens qui tient autant de la relecture historique que du message universel propre aux grandes tragédies grecques.

  Le Métier des armes (c) D.R.

Il reste que le film est avant tout centré sur la personne de Medicis, jeune homme de 28 ans déjà légendaire pour ses faits d'armes. Hristo Jivkov incarne un Medicis somnambule, faisant irrémédiablement penser au Johnny Depp de Dead Man, toujours entre l'inconscience et l'éveil, au bord de l'inexistence. Tout comme William Blake dans Dead Man, Médicis suit sa route de mort en sursis, jusqu'au dénouement final où à la suite de l'amputation de sa jambe (scène incroyable, les instruments de chirurgie primitifs donnant un juste aperçu des douleurs subies) il meurt comme s'il s'endormait parmi les peintures Renaissance de sa chambre de prince. Le décorum est ici primordial bien que jamais excessif ni gratuit ; rien n'est plus éloigné du kitsch grossier des dernières reconstitutions pâtissières des récents films à caractère historique (Jeanne d'Arc, Gladiator, etc) que ce film à la facture ascétique. Étrangement, les scènes de batailles sont peu nombreuses et assez réduites, Olmi préférant montrer l'interminable traque des bandes noires sur les allemands, s'attardant plutôt sur les scènes de bivouac dans la neige, sur le dépeçage d'un cheval, sur les traversées d'étendues enneigées, sur les visions surprenantes de Médicis, sorte d'aiguillon de la mort se découpant sur un fond de paysage désolé. Car l'unité de ton et de temps du film reste cette continuelle présence de l'hiver, où la neige mêlée de boue et le froid glacial semblent imprimer directement la pellicule.

À la manière d'un peintre flamand, Olmi nous dresse le tableau d'une apocalypse gelée, d'une fin du monde, dont les derniers acteurs seraient les maîtres d'armes, les faiseurs de guerre, c'est-à-dire les faiseurs d'Histoire.

Le Métier des armes (c) D.R.

Très intelligemment, le cinéaste a mis le peuple en marge de son récit, signifiant par là qu'il reste le grand absent de l'Histoire. On voit quelques habitants des lieux que traversent les différents soldats, mais très peu et le plus souvent pendus aux branches des arbres.

On retiendra entre autres choses du film surtout ceci : que le récit de la vie des hommes qui font l'Histoire à travers les guerres n'a jamais été le récit de l'humanité, mais s'est toujours donné pour tel. C'est sans doute le poète l'Aretin, personnage du film et compagnon de Medicis, qui donne une des clés de l'œuvre : "les armes changent les guerres, et les guerres changent l'Histoire". Olmi montre ainsi que les préoccupations de son cinéma sont celles de son époque, avec une rigueur et une exigence formelles que bien peu proposent actuellement.



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Titre
 : Le M étier des armes
Titre V.O : Il mestiere delle armi
Réalisateur : Ermanno Olmi
Scénario : Ermanno Olmi
Acteurs : H. Jivkov, S. Grammatico, D. Ratchkov, F. Giubanni
Photo : Fabio Olmi
Musique : Fabio Vacchi
Montage : Paolo Cottignola
Décors : Luigi Marchione
Costumes : Francesca Sartori
Production : Cinéma 11 Undici
Producteurs : Luigi Musini, Roberto Cicutto
Distribution : Bac Distribution
Sortie France : 30 janvier 2002
Durée : 1h 45 mn
Pays : Italie
Année : 2001





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