LES
POISSONS POLICES
Shallow Hal, en
revanche, ne s'autorise pas de ces libertés. Pour la
première fois, les frères Farelly font un film
à "sujet", et ce choix est lourd de conséquence.
L'obésité, problème de santé publique
aux Etats-Unis et "tare physique" sur laquelle se penchent
les réalisateurs de Shallow Hal, afflige l'héroïne
du film et devient l'élément majeur de l'intrigue
amoureuse. Les scènes gag et les dérives narratives
qui faisaient le charme de leurs précédents
films n'ont dès lors plus de raison d'être, puisque
leur intérêt consistait précisément
dans la mise en scène de ces tares physiques ou mentales
: aussi rit-on beaucoup moins franchement qu'à leurs
précédentes pochades.
Autre conséquence
de ce choix, les frères Farelly deviennent beaucoup
plus explicites sur les fondements de leur humour : le personnage
de Mauricio (interprété par Jason Alexander),
meilleur ami de Hal et comme lui obsédé par
les canons, est incapable de sortir avec une superbe fille
pourtant amoureuse de lui, sous le prétexte qu'un des
doigts de pied de la demoiselle est considérablement
allongé. Ce petit défaut effraie Mauricio parce
qu'il est lui-même affligé d'une malformation
(une petite queue frétillante lui a poussé au
bas du dos). Cette idée était en soi assez claire
pour que les réalisateurs n'aient pas à en expliciter
le pourquoi du comment, et en désamorcer du coup la
drôlerie.
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La dernière faiblesse,
mais particulièrement néfaste, est celle du
personnage de Hal, trop schématique et en outre interprété
par un acteur, Jack Black, infiniment plus limité que
Jim Carrey, l'époustouflant Charlie/Hank de Fous
d'Irène. La mise en scène des frères
Farelly s'en ressent. Ne pouvant s'appuyer sur la composition
de leur acteur, les frères sont obligés d'épouser
son point de vue plutôt que d'observer à distance
ses faits et gestes, comme à leur habitude. Le schématisme
du personnage est dès lors transposé à
la mise en scène : à l'aveuglement originel
de Hal (il n'a d'yeux que pour l'apparence extérieure
des filles et ne voit rien de leur beauté intérieure),
succède l'aveuglement inverse (il n'a d'yeux que pour
la beauté intérieure et ne voit rien de l'apparence
extérieure) jusqu'à ce que, définitivement
décillé, il soit sensible à l'une et
l'autre "beauté". Par un effet boule-de-neige, ce schématisme
retombe en définitive sur Rosemary et sur Gwyneth Paltrow,
d'abord fine et belle, puis obèse, mais sans rien à
jouer et n'ayant qu'à paraître telle qu'Hal la
voit.
Ce qu'on aimait dans Fous
d'Irène et dans Mary à tout prix,
c'était cette décision subite des héros
de tout abandonner (métier, amis, famille,...) pour
répondre à l'impulsion de leur désir.
A l'inverse dans Shallow Hal, c'est le désir
de réussite et de retour à l'ordre qui prime
: Rosemary est aussi et avant tout la fille du patron de Hal.
Le sentiment très décevant qu'on éprouve
devant le film se transforme alors en une légère
inquiétude : est-ce vers un tel retour à l'ordre
que tendent en définitive les frères Farelly
? On craindrait presque que leur goût pour les personnages
régressifs, leur absence de respect pour les valeurs
instituées et les tabous les plus ancrés, plutôt
que de manifester un sens salutaire de la transgression, ne
révèle en définitive un moralisme de
mauvais aloi...
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Titre :
L’amour extra large
Titre V.O
: Shallow Hal
Réalisation
: Bobby et Peter Farelly
Scénario
: Sean Moynihan, Bobby et Peter Farelly
Acteurs
: Gwyneth Paltrow, Jack Black, Jason Alexander,
Rene Kirby, Susan Ward, Joe Viterelli, Jill Fitzgerald,
Anthony J. Robbins
Directeur de la photographie
: Russel Carpenter
Chef monteur
: Christopher Greenbury
Musique originale
: Ivy
Producteurs
: Bradley Thomas, Charles B. Wessler, Bobby et
Peter Farelly
Production
: 20th Century Fox, Conundrum Entertainment
Distribution
: UFD
Sortie France
: 06 mars 2002
Durée
: 1h 54 mn
Pays :
Etats-Unis
Année :
2001
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