SYNOPSIS :
L’an dernier, la première édition du Loft a enflammé
les passions en France. Beineix a voulu enregistrer, à
froid, les réactions et les commentaires de téléspectateurs,
des producteurs de l’émission, des journalistes qui en
ont rendu compte, d’intellectuels – psychiatres, sociologues,
philosophes, écrivains – qui se sont sentis poussés
à exprimer un point de vue, positif ou négatif,
sur l’émission. Il entrecroise leurs paroles, en examinant
successivement plusieurs des problèmes posés par
l’émission : la jeunesse, l’obscénité,
l’enfermement volontaire, la " télé-poubelle ",
le réalisme. |
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POINT DE VUE
Le paradoxe central qui a suscité
l’enquête de Beineix est cette réflexion qu’énonce
ici une téléspectatrice anonyme, mais qui fut
sans doute l’opinion de la plupart des spectateurs :
" je trouve ça nul mais je regarde (et j’adore) ".
De ce point de vue, la plupart des interlocuteurs de Beineix,
connus ou inconnus, apologistes ou ennemis acharnés
du Loft, souscriraient à ce paradoxe, et le mérite
de l’émission consiste à le mettre en valeur.
L’intervention de Jean-François Kahn directeur
de publication du magazine Marianne - racontant comment le
comité de rédaction du journal se vidait – quelle
que soit l’actualité du jour – juste avant les " exclusions "
du Loft en direct le jeudi soir, est à cet égard
saisissante.
La première partie du documentaire
est consacrée à éclairer ce besoin de
parole qu’a suscité cette émission. Un tel phénomène
n’est pas un effet annexe du Loft, il en est une caractéristique
essentielle, que Beineix souligne à juste titre. Non
seulement ceux qui détestaient montaient au créneau
pour le dire au lieu de simplement éteindre leur poste,
mais ils s’employaient de plus à justifier le fait
qu’ils en parlaient. Tout ceci éclate dans le témoignage
du chroniqueur télé de Libération,
David Dufresne, qui suivit l’émission, d’abord pour
en dénoncer le vide, puis, happé par ce vide,
finit par centrer sa chronique sur elle. L’écoutant,
on pense à un phénomène d’hypnose ou
de sidération.
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L’accumulation des appréciations,
parfois viscérales (Jean-Pierre Coffe, Philippe Sollers
parlant de totalitarisme, ou Jacques Séguéla)
et souvent réflexives ou mesurées (Jean-Claude
Kauffmann, sociologue de l’intimité, Serge Tisseron,
psychanalyste spécialiste de l’image, ou bien Michel
Field) fait bien comprendre le caractère contradictoire
de l’émission. Ainsi, Field a raison de montrer comment,
les scènes de sexe étant toujours court-circuitées
par des plans de paysages, cette émission " libérée "
a réintroduit la censure à la télé ;
mais la frustration ne fait-elle pas partie du plaisir de
l’émission: toujours attendre la scène
" chaude " en sachant qu’elle ne viendra
jamais ? Ce documentaire parvient alors à pointer
des choses justes, en décalage avec la doxa pro ou
anti-Loft : ainsi, Luc de Pareydt, jésuite et
philosophe, indique que l’obscénité de l’émission
n’est pas dans le sexe mais dans la monstration frontale,
immédiate, des sentiments - mettant ainsi le
Loft en relation avec toutes les séquences où
quelqu’un pleure à la télé.
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