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Jeepers Creepers (c) D.R.
Dans son travail d’appropriation, Jeepers Creepers se détache absolument de l’approche ironico-réflexive du slasher post-Scream  : la citation n’apparaît pas ici comme un clin d'œil, une interruption du sens provoquant le (sous) rire, comme dans le film de Wes Craven. Plutôt que d’exhiber la mécanique du genre, Victor Salva choisit d’y insuffler une tonalité proprement merveilleuse, c’est-à-dire une croyance dans l’altérité surnaturelle du monstre. La recherche par ses victimes d’un refuge qui leur permettrait d’échapper à la créature est vouée à l’échec, car son caractère quasi-mythique l’offre comme partie intégrante du monde. En quelque sorte, il préexiste aux constructions humaines, à la civilisation : sa sauvagerie est originelle.

Ainsi le bogeyman mythique et transformiste de Jeepers Creepers (tout comme la figure paternelle ambiguë de Emprise, sorti en France il y a peu) se caractérise par sa profonde " américanité " : cette figure fantastique présente une sorte de barbarie innocente, qui se donne comme fondatrice (pour Emprise ; le film est un long flash-back; le point de départ du récit est la folie du père).  La trame générale du film, en suivant le parcours de ces frères et sœurs pourchassés par un bogeyman démoniaque, prend comme modèle figuratif et narratif le chef d’œuvre de Charles Laughton, La Nuit du Chasseur. À cet égard rappelons que l’idée de la sauvagerie meurtrière préexistante à la culture s’initie dans le personnage du " preacher " du film de Laughton. Les séquences nocturnes et les apparitions du monstre rejoignent ainsi parfois la splendeur des images élaborées par Stanley Cortez. Ces éléments classiques s’hybrident harmonieusement à la mise en circulation d’images fantastiques que propose Jeepers Creepers. Ainsi les espaces traversés par les personnages sont conçus comme autant de fragments, extraits d’autres films : un commissariat où le bogeyman s’introduit tel le Terminator, une maison où vit une vieille, armée d'un fusil et recueillant les " chats errants " - citation la plus évidente de La Nuit du chasseur -, jusqu’au final, très noir, dont l’idée graphique emprunte autant aux comics horrifiques type " Tales From The Crypt " qu’à Massacre à la Tronçonneuse. Mais la colère iconoclaste que mettait en scène Massacre à la Tronçonneuse semble avoir fait place à la volonté d’intégrer des éléments classiques, et de s’inscrire dans une conscience des formes prises par le cinéma fantastique américain. Sans encore parler de renouveau, la vision rapprochée de Jeepers Creepers et de Emprise donne cependant à penser une ambition neuve dans l’approche du fantastique par certains cinéastes américains.




Jeepers Creepers : le site du film en V.O.




Victor Salva, réalisateur de Jeepers Creepers, s’était déjà intéressé au mélange du road movie et de l’horreur, dans le méconnu The Nature of The Beast (retitré Bad Company en vidéo) en 1989 ; dans ce film, l’archétype du serial killer était intelligemment retravaillé par le détour par le buddy- movie. L’ambiguïté sur l’identité du tueur se construisait par la confrontation de deux actualisations de l’archétype du " errant ", l’auto-stoppeur au allure de routard (Eric Roberts) et le voyageur de commerce propre sur lui (Lance Henriksen !). L’homosexualité latente que travaille Bad Company se retrouve dans Jeepers Creepers : elle s'inscrit dans l’attirance du bogeyman, non pour la jolie fille, mais, plus surprenant, pour son frère. Road-movie méconnu, auquel on lui préfère souvent Hitcher (Robert Hamon, 1986), Bad Company est un film qui mérite d'être réhabilité.




Titre : Jeepers Creepers, Le chant du diable
Titre V.O : Jeepers Creepers
Réalisateur : Victor Salva
Scénariste : Victor Salva
Directeur de la photographie : Don E. Fauntleroy
Acteurs : J. Long, G. Philips, J. Breck, P. Belcher, E. Brennan
Musique : Bennett Salvay
Compositeur : Bennett Salvay
Producteur exécutif : Francis Ford Coppola
Distribution : Bac Distribution
Sortie France : 03 juillet 2002
Pays : Etats-Unis
Année : 2001