SYNOPSIS :
Enid et Rebecca, la brune à lunette et la jolie
blonde, terminent enfin leurs études. Après la
remise des diplômes, les vacances d’été
s’offrent comme la dernière ligne droite avant la vie
adulte.
Enid (Thora Birch) est cassante,
instable et brillante, et d’une impitoyable lucidité
sur la bêtise humaine qui l’entoure. Rebecca (Scarlett
Johansson) joue à la garce, sans être cependant
aussi catégorique que son amie. Elles se retrouvent
néanmoins dans des jeux d’adolescentes, regardant le
monde comme une vaste blague peuplée de " freaks "
et de marginaux, et dans leur passion secrète pour
Josh, un garçon timide et falot.
Afin de pouvoir louer un
appartement où elles vivront à deux, elles cherchent
du travail. Mais déjà une distance se crée :
Enid, qui a lamentablement échoué ses examens
en art, doit suivre des cours de rattrapage, tandis que Rebecca,
qui a trouvé un travail de serveuse, se lance seule
dans la recherche d’un logement,
Enid développe une
amitié avec un des " freaks " que
les amies s’amusaient à juger. Au fil des rencontres,
Seymour (Steve Buscemi), homme secret et misanthrope, coupé
du monde par son amour des disques rares, apparaît peu
à peu aux yeux d’Enid comme le modèle d’une
intransigeance et du refus des concessions sociales qu’elle
recherche elle-même. Rebecca s’éloigne petit
à petit, tandis que Seymour devient le centre de la
vie de la jeune fille. Mais les vacances tirent à leur
fin, et l’heure du choix se profile pour Enid …
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POINT DE VUE
Terry Zwigoff, le metteur
en scène de Ghost World, est reconnu pour son
documentaire réalisé sur Robert Crumb, maître
et fondateur de la bande dessinée underground américaine.
Distribué en France par Haut et Court dans la collection
" Inédits d’Amérique ",
Crumb travaillait un dispositif visant à cerner
le personnage en le rapportant à son milieu familial.
Cette approche " déterministe "
reconduisait l’image du génie asocial, mais " profondément
humain lorsqu’on le connaît mieux ". Le ton
hagiographique de ce documentaire avait ainsi la fâcheuse
tendance de réduire l’œuvre troublante et complexe
de Crumb l’artiste à la vie familiale mouvementée
de l’homme.
Mais pourquoi parler de
Robert Crumb ? Parce que parler de Ghost World
(le film) nécessite de ne pas faire l’impasse sur l’origine
du projet. Avant d’être un film, Ghost World
de Daniel Clowes est une œuvre reconnue du comics ;
et c’est grâce à son documentaire sur Crumb que
Zwigoff a été " choisi "
par Daniel Clowes pour adapter son travail le plus célèbre.
De même, la place qu’occupe Clowes aujourd’hui dans
la bande dessinée indépendante américaine
évoque le parcours de Crumb, auteur respecté,
considéré comme l’un des re-fondateurs du bandes
dessinées underground. D’où une courte mise
au point sur les deux artistes.
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Si l’on compare les deux
œuvres, le rapport entre Clowes et Crumb est à priori
évident, mais il se disjoint aussi sur une différence
fondamentale, quasi-générationnelle. Leur filiation
esthétique s’exprime avant tout dans le goût
de la caricature. Mais, alors que chez Crumb, le goût
de la caricature s’inscrit dans une démarche quasi-journalistique
(il s’agit d’imager la décadence de l’Amérique,
et ses portraits s’offrent, au même titre que les décors
de banlieue, comme autant d’images de la laideur de l’Amérique
contemporaine), dans le travail de Daniel Clowes, la caricature
opère comme gag : l’intrusion d’un visage, d’une
" trogne " interrompt le récit
et conditionne le découpage de la séquence en
cours. La planche s’organise autour. Cette différence
d’approche, qui s'ancre dans le soin que met Clowes à
extraire ses personnages des fonds, et d’en dégager
rapidement les traits essentiels, font de ces visages les
seuls lieux de mémoire encore possibles : c’est sur
ces surfaces que s’inscrit le passage du temps, et que peut
encore se lire une Histoire. C’est donc comme ruine, ou vestige,
que ces visages surgissent dans l’Amérique aseptisée
décrite par Clowes.
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