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Mes chers voisins (c) D.R. MES CHERS VOISINS
d’Alex de la Iglesia
Par Yves GAILLARD


SYNOPSIS : Julia Garcia, agent immobilier en intérim, peine à convaincre des clients potentiels de l’intérêt d’un appartement situé au cœur de Madrid. Pour pimenter sa vie de couple routinière, Julia investit en secret le logement pour une soirée qu’elle souhaite inoubliable. Mais suite à une invasion de cafards, l’aventure tourne au fiasco amoureux. Lorsque des candidats viennent le visiter le lendemain, la chambre est dévastée par les fuites d’humidité venant de l'appartement supérieur. Julia appelle les pompiers, et découvre le cadavre du vieillard locataire du dessus, gisant dans les ordures accumulées depuis des mois. Cette découverte déclenche chez les habitants de l’immeuble une réaction hystérique bien étrange. Julia découvre alors que le vieillard, heureux gagnant au loto sportif quelques années plus tôt, cachait un énorme magot dans son appartement : de quoi refaire sa vie et réaliser ses rêves… Mais les voisins, qui attendaient la mort du " vieux " pour voler cet argent qu’il a toujours refusé de partager avec eux, se doutent que Julia les a pris de vitesse. Après avoir tenté la conciliation, la " Communidad " (la co-propriété) décide d’employer des moyens extrêmes pour éliminer l’encombrante jeune femme.

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POINT DE VUE

Alex de la Iglesia s’était illustré dans les années 90 par deux films mêlant comédie sociale, science-fiction et fantastique, Accion Mutante en 1993 et El Dia de la Bestia en 1997. Ces films se caractérisaient par une approche cartoonesque et grotesque de thèmes cruciaux de la société espagnole, comme le terrorisme (Accion Mutante) ou la barbarie " diabolique " des dérives sociales (El Dia de la Bestia). La Communidad permet au public français de retrouver les aspirations de moraliste et le cinéma " sous influence " du cinéaste, alors que ses derniers films (dont le remarquable Perdita Durango, " suite " de Sailor And Lula) n’ont pas eu les honneurs d’une sortie cinéma.

  Mes chers voisins (c) D.R.
Le sujet véritable du film - la frustration qu’engendre la société de consommation - s'inscrit, comme toujours chez ce cinéaste, dans l’hétérogénéité des influences revendiquées, qui compose une réjouissante esthétique du kitsch et de la contre-façon. Les topos du thriller et du film d’épouvante, l’intrusion du gore même, sont quelques-uns des moyens utilisé par Iglesia pour construire sa satire sociale. La Communidad s’ouvre ainsi sur un mouvement de caméra aérien, qui lie en un seul élan l’animation d’une rue madrilène et la déchéance d’un cadavre pourrissant dans l’appartement du dernier étage d’un immeuble élégant : décalque du plan d’ouverture de Psychose, ou le voyeurisme du spectateur se heurte non pas au désir, mais à la mort. Cette image, où la gravité le dispute au grotesque, pose une tonalité complexe, que le film peine malheureusement à retrouver ensuite. S’ensuit un générique inspiré des créations de Saul Bass, où l’intrusion d’une Carmen Maura frégolienne dans l’univers du Locataire (couloirs étroits et portes mystérieuses) se décline en un jeu de surfaces labyrinthique.

La Communidad, c’est d’abord une galerie de " freaks " de la banalité quotidienne, où le sens du pittoresque de Alex de la Iglesia (on se souviendra des caricatures du petit peuple espagnol de El Dia de la Bestia) fait merveille : la mère seule et son grand fils débile, le gueulard, la mégère en robe de chambre, le réfugié cubain… sont autant de " croquis de rue " d’une humanité pathétique. Plongé dans cet univers clos aux relents de sueurs macérées, le personnage de Carmen Maura apparaît aussi monstrueux que ses " adversaires ". A la vision de La Communidad, on pense beaucoup au Sergio Leone de Le Bon, La Brute et le Truand, la succession d’alliances et de trahisons exprimant une vision du monde carnavalesque où l’humain est réduit à une marionnette cupide. Comme chez Leone, La Communidad baigne dans une tentation permanente du burlesque, c’est-à-dire de l’innocence.