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Les Naufragés de la D17 (c) D.R. LES NAUFRAGES DE LA D17
de Luc Moullet
Par Francis GAVELLE


SYNOPSIS : Pendant la guerre du Golfe, dans ce no man's land français que sont les alentours du village de Majastres, sur l'inachevée D17, se croisent une joyeuse bande de doux dingues. Certains savent ce qu'ils veulent, même s'ils ne savent pas toujours ce qu'ils font là. Peu importe, tout ce beau monde finira dans les camisoles des gendarmes...

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POINT DE VUE

Il était une fois, non pas dans la bonne ville de Foix, comme l’on serait tenté de le supposer puisque l’on évoque un film de Luc Moullet, mais dans le hameau de Majastres, point d’ancrage d’un petit monde de naufragés, une route mythique. Comme à première vue nous ne sommes pas aux Etats-Unis (quoique je puisse revenir sur ce point), la route en question n’est pas la fameuse Route 66, mais la nébuleuse D 17. Mise en chantier une première fois dans les années 20, puis une seconde fois en 1956, cette route, jamais terminée, serpente au cœur d’une région désertique, où les automobiles ne révèlent que rarement leur présence finalement incongrue. Comme de bien entendu, dans un mélange d’esprit de contradiction et de dérision, c’est par cette présence incongrue que Luc Moullet va nous inviter à le suivre dans une expédition insolite. Et, comme il est un bon marcheur, son rythme sera faussement nonchalant. Pensez donc ! Là où d’autres mettraient 2 heures, voire 2 heures 39, pour évoluer sur le terrain des passions humaines, Luc Moullet, lui, n’a besoin que d’une heure 21.

Retrouvons donc Paul (Patrick Bouchitey) et Anne (Iliana Lolic) à bord d’une coûteuse voiture de sport, engagée dans un rallye automobile qui passe par la D 17. Tout à son admiration pour les performances de son splendide prototype, Paul traverse le site dans un état d’indifférence totale devant cette beauté naturelle préservée ; tout comme il ne répond que par la rudesse et le mépris à la dévotion amoureuse de sa jeune copilote. Il est la civilisation en marche et là où il passe, l’herbe ne repousse pas, l’amour ne prend pas sa source. Pourtant, très vite, sa suffisance va être mis à mal : au détour d’un virage, l’emblème rouge et blanc du progrès technologique se retrouve embourbé et Paul cloué sur place. Pour la nature bafouée et la femme humiliée, l’heure de la vengeance a sonné. Et, pour le réalisateur, est arrivé le temps du règlement de comptes.

  Les Naufragés de la D17 (c) D.R.
En effet, autour ou à côté de ce couple qui peine à se trouver, Luc Moullet va dessiner une galerie de personnages, livrés à eux-mêmes dans une nature qu’ils considèrent comme hostile, puisqu’elle les dépouille du vernis civilisé de leurs codes de conduite, ce code de la route appliqué aux relations humaines. Et cette voix-off qui avait ouvert le récit et que l’on avait écoutée d’une oreille distraite, tant elle semblait être la simple résonance d’un guide touristique, prend soudain tout son sens. La mise en garde, passée inaperçue, sur "cette ambiance spéciale du bloc de Majastres qui peut changer le comportement des rares visiteurs" devient une réalité tangible au vue de la folie qui semble habiter les attitudes des principaux protagonistes.