SYNOPSIS :
Pendant la guerre du Golfe, dans ce no man's land français que
sont les alentours du village de Majastres, sur l'inachevée
D17, se croisent une joyeuse bande de doux dingues. Certains
savent ce qu'ils veulent, même s'ils ne savent pas toujours
ce qu'ils font là. Peu importe, tout ce beau monde finira dans
les camisoles des gendarmes... |
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POINT DE VUE
Il était une fois,
non pas dans la bonne ville de Foix, comme l’on serait tenté
de le supposer puisque l’on évoque un film de Luc Moullet,
mais dans le hameau de Majastres, point d’ancrage d’un petit
monde de naufragés, une route mythique. Comme à
première vue nous ne sommes pas aux Etats-Unis (quoique
je puisse revenir sur ce point), la route en question n’est
pas la fameuse Route 66, mais la nébuleuse D 17. Mise
en chantier une première fois dans les années
20, puis une seconde fois en 1956, cette route, jamais terminée,
serpente au cœur d’une région désertique, où
les automobiles ne révèlent que rarement leur
présence finalement incongrue. Comme de bien entendu,
dans un mélange d’esprit de contradiction et de dérision,
c’est par cette présence incongrue que Luc Moullet
va nous inviter à le suivre dans une expédition
insolite. Et, comme il est un bon marcheur, son rythme sera
faussement nonchalant. Pensez donc ! Là où
d’autres mettraient 2 heures, voire 2 heures 39, pour évoluer
sur le terrain des passions humaines, Luc Moullet, lui, n’a
besoin que d’une heure 21.
Retrouvons donc Paul (Patrick
Bouchitey) et Anne (Iliana Lolic) à bord d’une coûteuse
voiture de sport, engagée dans un rallye automobile
qui passe par la D 17. Tout à son admiration pour les
performances de son splendide prototype, Paul traverse le
site dans un état d’indifférence totale devant
cette beauté naturelle préservée ;
tout comme il ne répond que par la rudesse et le mépris
à la dévotion amoureuse de sa jeune copilote.
Il est la civilisation en marche et là
où il passe, l’herbe ne repousse pas, l’amour ne prend
pas sa source. Pourtant, très vite, sa suffisance va
être mis à mal : au détour d’un virage,
l’emblème rouge et blanc du progrès technologique
se retrouve embourbé et Paul cloué sur place.
Pour la nature bafouée et la femme humiliée,
l’heure de la vengeance a sonné. Et, pour le réalisateur,
est arrivé le temps du règlement de comptes.
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En effet, autour ou à
côté de ce couple qui peine à se trouver,
Luc Moullet va dessiner une galerie de personnages, livrés
à eux-mêmes dans une nature qu’ils considèrent
comme hostile, puisqu’elle les dépouille du vernis
civilisé de leurs codes de conduite, ce code de la
route appliqué aux relations humaines. Et cette voix-off
qui avait ouvert le récit et que l’on avait écoutée
d’une oreille distraite, tant elle semblait être la
simple résonance d’un guide touristique, prend soudain
tout son sens. La mise en garde, passée inaperçue,
sur "cette ambiance spéciale du bloc de Majastres
qui peut changer le comportement des rares visiteurs"
devient une réalité tangible au vue de la folie
qui semble habiter les attitudes des principaux protagonistes.
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